»« Plus de miel, plus de confiture, dans quel sens on va faire tomber nos tartines maintenant ? » » Voilà ce que dit mon pétaradant ami Yelrah à propos de la crise actuelle. Je crois qu’il aurait pu aller jusqu’à oser parler de régime pain sec et de soupe à la grimace. Après avoir longuement (trop ?) essayé de décrire le lent mais inéluctable processus de chute du système capitaliste néo-libéral, il est temps, maintenant que cette chute est avérée, reconnue de tous même du Foutriquet ce soir à Toulon, d’essayer d’en anticiper les conséquences prochaines et d’en analyser les raisons. D’essayer de voir ce qu’il reste à croûter, dès lors que les pots de confiottes sont vides. Et puis de mitonner quelques recettes de survie.
Prévenir ? Bof, ne laissons pas notre prétention péter plus haut que nous avons le cul. De toute façon, les fous n’écoutent pas, ne voient rien, ne sentent rien. Dimanche dernier, un de leurs porte-parole médiatiques, le JDD du pâle héritier Lagardère, titrait encore en une : »« La crise financière est terminée » » ! Foutriquet, erratique, cherchait des responsables pour les punir, oubliant que c’est chez ceux-là et sur leurs yachts qu’il se faisait il y a encore peu payer ses vacances, que c’était hier qu’il refilait lui-même une partie du magot du défaillant Crédit lyonnais à son pote Tapie. Et ce jeudi matin, pendant que les responsables américains, républicains et démocrates (presque) main dans la main, tremblants, en appelaient à une union nationale avec cette pompeuse solennité qui n’appartient qu’à eux, Mme Parisot, présidente des valeureux capitaines d’industrie gaulois, admettait enfin elle aussi la gravité de la crise ( »« le 11-septembre de la finance » ») et proclamait sur France Inter que la solution viendrait… des entreprises privées et de la compétitivité économique restaurée ! Ben pardi ! Bon, laissons-là cette indécrottable bande de dingues psalmodier ses ineffables stupidités sur le tas de ruines, oublions les veaux qui les suivent envers et contre tout à l’abattoir, et essayons d’allumer quelques lumignons avec les volatiles de notre meute. À propos de pain sec, les premiers à avoir du souci à se faire, ce sont bien les Africains et toutes ces régions du monde qui, sinistrées à force d’avoir été pressurisées et ponctionnées sans vergogne par l’ogre impérial, ne doivent leur survie qu’à l’aide publique internationale. Car enfin, tous ces milliards de milliards engloutis par les banques centrales pour maintenir sous inutiles perfusions leur système en état de mort clinique, il faudra bien les reprendre quelque part ! Je crains hélas très fort le retour proche dans ces coins du monde, de ces tragédies humanitaires que furent les famines. Plus de confiture pour nous, plus de pain du tout pour eux. Mais autant de terreaux sur lesquels prospèreront les venins d’Al-Quaïda et autres fous de Dieu. Que reste-t-il d’autre que Dieu et sa fureur aveugle quand tout est mort autour de vous ? Les pays dits « émergents » devraient eux aussi être parmi les premiers frappés. Encore fragiles, dépendant étroitement de leurs exportations vers les pays dits « riches », ils risquent fort de se retrouver étranglés. Bien sûr, comme la Chine en premier chef, ils disposent de fonds considérables planqués dans leurs banques. Toute honte bue, Mme Parisot les appelait sans vergogne au secours ce matin même dans le poste. Mais, comme l’or des Harpagon planqué dans des chaussettes pendant les jours de tourmente, ces fonds « souverains » ne leur seront d’aucuns secours pour relancer la machine économico-financière moribonde, et sauver leur toute frêle émergence. Par contre, dans ces pays aux abois, pour ce qui est de recourir à une défense militaire agressive, les fonds souverains trouveront sans problème à s’employer…. Eh oui, on commence à l’entendre mijoter, n’est-ce-pas, la soupe à la grimace ? Et même jusque dans dans les enceintes vermoulues de l’Empire, là où la marche du système, notre vie quotidienne donc, est entièrement soumise aux robinets financiers et au crédit. Or voilà ces sources taries, voilà le crédit à la ramasse, et tout le système implorant à leur tour l’intervention divine pour les tirer du merdier. Car c’est bien cela qu’il se passe, n’est-ce pas, aujourd’hui à New-York, dans le bureau de Georges Bush, avec McCain au bord de la panique et Obama dans le rôle de l’ange noir. Les effets de ce marasme se font déjà sentir dans les chairs, avec ces plans sociaux qui se chiffrent en milliers d’emplois supprimés. Et je vous fiche mon billet que la spirale s’amplifiera dans un tout proche avenir. Un an ? Deux ans ? Phénomène bien connu du château de cartes ou de la boule de neige. Des pans entiers de notre économie vont s’effondrer. Quid des aides sociales avec ces caisses publiques saignées à blanc ? Quid des lambeaux de services publiques et sociaux ? Foutriquet, ce soir à Toulon, a déclaré que l’État garantirait les citoyens des défaillances bancaires. Avec quel fric de quelle caisse vide ? Foutaises ! Et puis il y a ces maudites hordes d’étrangers affamés qui se pressent à nos portes et multiplient les Sangatte, qui importent leurs venins obscurantistes, projettent d’égorger nos fils, nos compagnes et abreuver nos sillons de leur sang impur, mais que nous poursuivrons jusque dans leurs confins au nom de nos « valeurs », et au risque de nous y fracasser, comme en Afghanistan, au Liban ou au Moyen-Orient… Je caricature ? À peine, demandez à Hortefeux. Oui, c’est ainsi que les échauffements internationaux dégénèrent en tragédie. ///html
/// Je m’en voudrais de vous laisser sur ce scénario-catastrophe. Pourtant il faudrait être irresponsable pour le négliger. Le pire n’est jamais sûr, je sais, mais il s’est si souvent produit au fil de notre histoire ! Et ce n’est pas le salmigondis besogneux péniblement sorti ce soir par le mari de Carla à Toulon qui risque de rassurer la ménagère de moins de cinquante ans. Non je vous jure, condamner la dérégulation des marchés internationaux, tout en annonçant la poursuite des réformes visant à tout déréguler dans l’enceinte nationale, y a que lui ! Raison de plus pour essayer d’éclairer un peu plus les quelques ultimes recettes qui peuvent nous conduire vers de bien ténues portes de sortie. Dans les noires années quarante, seuls surnagèrent ceux qui surent raison et lucidité garder, »« et un mental de résistant » » (Grand Corps malade). Ceux qui surent se bâtir une bulle d’autarcie (paysans sur leurs lopins de terre, as du système D…) Ceux aussi qui surent se contenter de peu, sauf en ce qui concerne leur soif de dignité pour laquelle il se montrèrent boulimiques. Ceux qui ne reculèrent jamais devant le danger ou le découragement. Ceux qui enfin et surtout savaient que rien n’était possible sans solidarité active et étendue. Car pour espérer mener une action efficace au-delà du cadre restreint du cercle de ses connaissances, la solution ne peut-être que politique et syndicale. J’en vois qui font les yeux ronds. Il a si souvent été question ici, dans ces chroniques, de l’inaptitude congénitale des partis politiques d’opposition et des centrales syndicales en place à enrayer la chute. Et de fait la réalité donna raison à ces prédictions : non seulement ils n’enrayèrent pas la chute, puisque nous y sommes, mais contribuèrent à la précipiter par leurs continuels louvoiements et leur aveuglement. Il y a un mois encore, un compagnon de route syndical raillait mes cris d’alerte en parlant de simple crise de confiance des épargnants ! Je voudrais bien savoir ce qu’il en pense aujourd’hui. Or voilà, nous ne sommes plus dans la spirale du déclin, nous sommes bel en bien désormais dans l’œil du cyclone. Et il va bien falloir penser à en sortir. Ce qui était impossible et inutile hier encore, quand nous rongions notre frein de rage et d’impuissance, devient aujourd’hui incontournable et impérieux. Il nous faut désormais penser à rechausser nos vieilles godasses militantes, faire fi de nos répulsions et de nos haut-le-cœur encore tout chauds, réoccuper le domaine du politique et du syndical. Peu importe que ce soit en investissant les vieilles structures ou par des nouvelles. Désormais, plus possible de faire la fine bouche. Suffit de ne pas y aller pour suivre bêtement les consignes poussiéreuses des momies, mais pour se faire entendre, et vigoureusement. Suffit que nous ne nous laissions pas hypnotiser par les cracheurs de rêves impossibles et les adorateurs de grands soirs illusoires. Mais avec la modestie chevillée au bon sens, comme celle de ces compagnons du Conseil National de la Résistance qui en leur temps surent conjurer la fatalité. Le but n’est plus de bâtir un monde meilleur, mais de sauver ce qui reste du nôtre en y imprimant autant que faire se peut, durablement, notre petite empreinte. Les troubles et les tensions qui vont forcément naître de l’écroulement actuel nous aideront dans notre tâche. Profitons de la confusion et de l’état de faiblesse dans laquelle les dingues vont forcément être plongés. Profitons du long »« congé sabbatique » »$$David Rosenberg, économiste en chef pour l’Amérique du Nord de la banque US Merrill Lynch : »« Le capitalisme prend un congé sabbatique. » »$$ traversé par le capitalisme pour lui voler dans les plumes. Profitons de l’hébétude des vieux machins politiques et syndicaux. Vont pas avoir l’air con, ceux-là ! À nous de réoccuper le terrain et de lutter pour empêcher l’inadmissible. Chacun doit se pénétrer de la nécessité d’agir. Le reste ne serait qu’atermoiements et résignations coupables.