((/images/cyclone1.jpg|cyclone|L)) Bon, en cette rentrée, je crois qu’il est temps de faire un petit point sur la situation générale. Pas triste ! Au début de l’année, j’avais écrit sur ce modeste blog que l’année 2008 avait tout pour être explosive et que nous approchions d’un douloureux moment de vérité. Eh bé, l’examen des faits neuf mois après confirme plus que largement ce sombre diagnostic. Récapitulons. La crise actuelle est à la fois économique, sociale, politique, et financière. Examinons ces quatre facettes (en faisant simple et pédago pour les ignares qui passent par là !) et cherchons à en dégager les éléments nouveaux.
Ne nous attardons pas sur la situation économique. N’importe qui peut se faire une idée noire à chaque jour qui passe. Effondrement du marché immobilier (-25 % dans les transactions de logements anciens, -34 % dans le neuf), affaissement du marché automobile (-7 % en France, et jusqu’à –41 % en Espagne !), marché du tourisme (autre fleuron traditionnel français) en berne, inflation persistante, baisse du PIB au deuxième trimestre (encore un trimestre comme ça et la récession devient officielle), etc. etc. Forcément, dans un système entièrement basé sur la croissance et qui ne croît plus, ça merdouille sérieux côté conséquences sociales : pouvoir d’achat usé à l’os, rebondissement du chômage qui n’en demandait pas tant, plans sociaux qui ne se comptent plus en centaines de licenciements mais en milliers (4000 prévus rien que chez Renault, basés sur le « volontariat » qu’ils disent !), des régions sinistrées (des milliers de licenciements, des casernes ou des maternités vidées de leurs occupants… c’est autant de consommateurs à la ramasse, de sous-traitants sur la paille, de commerçants en difficulté). La politique et l’action syndicale maintenant. À l’intérieur, RAS. On nous annonçait une rentrée chaude et c’est le calme plat. Les syndicats font le minimum syndical, les partis d’opposition de la figuration convenue : quelques « journées d’action » (même pas des grèves !), quelques protestations de pure forme pour faire bonne mesure et prouver qu’on existe. Remarquez, sont pas les seuls responsables. Faudrait qu’ils aient un peu de soutien du côté de leurs troupes. C’est toujours comme ça quand ça chie : les veaux sont tétanisés, vont à l’abattoir la queue résignée et la tête basse. Si à l’intérieur, c’est mol brouillard, il en va autrement à l’extérieur. Incapables de redresser la barre chez eux, nos fiers-à-bras vont joyeusement foutre le bordel chez les autres. Au nom évidemment de notre grandeur immuable et de la défense de nos impayables valeurs. Sauf que là, ça tourne salement vinaigre ces derniers temps. Cf. les peignées que les forces otanesques se prennent en Afghanistan. Cf. le bras d’honneur narquois que leur adresse Poutine en Ossétie. Et si on les entend moins, les bourbiers irakiens ou moyen-orientaux ont tout de hargneux volcans sur le pied de guerre en faux sommeil. Les mornes jeux de Pékin n’ont même pas réussi à réveiller les ardeurs populaires et à terrasser la sinistrose ambiante. Vous allez me dire, quoi de neuf dans ce foutoir ? Rien, mes doux agneaux, rien. Sauf que le plus bête d’entre nous est capable de constater que la situation s’est gravement aggravé ces derniers mois (même la ministre Lagarde est obligée de le reconnaître, c’est dire l’ampleur de la cata). Or rien, absolument rien ne permet d’envisager un prochain redressement. Manque juste le détonateur pour que tout implose. Et ce détonateur, il est là, tout frais tout chaud. C’est par lui que la Bérésina capitaliste a commencé, et il y a de fortes chances que ce puisse être par lui que va venir l’exécution. Je veux parler du secteur financier. Car il vient de se passer quelque chose d’incroyable dans ce paysage dévasté, quelque chose d’hallucinant pour qui connaît les inaliénables principes libéraux du système : nos chantres du libéralisme à tout crin sont contraints de NATIONALISER ! Vous vous rendez compte ? ! Il y a quelques mois encore, ils se seraient fait traiter, se seraient traités eux-mêmes, de communistes ! Osez prétendre que ce n’est pas un élément nouveau, que ce n’est pas un cruel aveu d’impuissance des puissants devant les vents mauvais qui les frappent ! Le récent sauvetage des banques Fannie Mae et Freddie Mac n’est bien sûr pas une première ces derniers temps. Mais là, c’est du costaud. Figurez-vous que nos deux arrogants organismes de crédit ont accumulé la somme proprement astronomique de 1600 milliards de dollars de dettes (c’est-à-dire le montant des hypothèques sur les crédits immobiliers que les néo-propriétaires US ne sont aujourd’hui plus en mesure de rembourser). Laisser ces deux monstres sombrer dans la faillite, avec toutes les inévitables cascades de dégringolades qu’ils auraient immanquablement entraînées, et c’était un tsunami dévastateur pire que la fameuse crise de 1929. Or (vous me suivez ?) cette opération de sauvetage, comme les quelques précédentes qui auraient déjà dû nous mettre la puce à l’oreille, a tout pour n’être qu’un bien inutile coup d’épée dans l’eau. Car ce sursis désespéré accordé par l’État américain aux organismes privés moribonds ne tient que par le pari risqué que la crise touche très bientôt à sa fin, que si la conjoncture économique, sociale, politique, prend quelques couleurs d’urgence. Or l’analyse précédente montre qu’il n’en est rien, bien au contraire. Et d’ailleurs, dès aujourd’hui, voilà une nouvelle banque US, Lehman Brothers, qui appelle à l’aide. Je vous fiche mon billet qu’il y a un moment où les « sauveteurs » vont lâcher prise. J’enfonce le clou et je vous laisse respirer. Dans le cas particulier de Fannie et Freddie, leur nationalisation n’est viable que si les tendances grippales immobilières US et mêmes mondiales s’inversent et repartent dare-dare à la hausse. Or rien aujourd’hui ne permet de cultiver un tel espoir. Si au contraire la crise perdure, si les insolvabilités des ménages américains continuent de se multiplier, il faudra bien rembourser ce gouffre et cracher au bassinet. Mais qui ? Certainement pas les ménages US déjà étranglés, ni les autres populations, même émergentes, groggies… Non, je crains vraiment qu’il ne soit trop tard et que ces sauvetages désespérés et contre-nature (capitaliste) ne soient que d’ultimes sursauts d’agonisants. Plus ça va, plus le pire devient inéluctable. Suffit juste de patienter… Mais alors qu’espérer si plus d’espoir ? Qu’attendre si rien n’arrive ? Rien, mes doux agneaux. Hélas rien. En tout cas rien de ce côté-là. Juste cultiver peinards notre petit jardin et s’emparer des quelques lueurs qui passent dans les marges, même les plus ténues. Tiens, comme celle-ci, surgie ce mercredi 10 septembre 2008 : SINÉ HEBDO ! Bon d’accord, c’est pas derche, mais imaginez si vous étiez des Haïtiens ou des Cubains face au déferlement hurlant de leur énième cyclone. Eh ben, on en est à peu près là.