« ANTISÉMITISME »

Une nouvelle fois, un fait divers (l’agression de trois jeunes portant la kippa dans le dix-neuvième arrondissement de Paris) nous vaut, malgré les précautions des enquêteurs, un déchaînement médiatique précipité et tonitruant sur le caractère « forcément antisémite » de cet acte.

Dans un commentaire sur Rue 89, Thierry Reboud tente de nuancer : « « Un jeune agressé avec sa kippa, ça reste un Juif visible », Camus* dixit. Soit. D’où je déduis qu' »un Noir agressé avec son épiderme, ça reste un Noir visible ». Normal, non ? Et donc que tout Noir agressé alors qu’il se trouve muni de son épiderme est ipso facto victime d’une agression raciste. (J’imagine qu’on peut accepter la variante avec « Un Arabe qui a l’air d’un Arabe »…) »

Je souscris totalement à cette analyse. C’est pourquoi le mot « antisémitisme » est désormais totalement banni de mon vocabulaire. Je me borne désormais aux termes « racisme » et « intolérance ». Plusieurs raisons à cela.

  1. Ce mot d' »antisémitisme » est un terme excluant. Avec le temps et les abus, il en est venu à garantir une exclusivité, sinon un bénéfice, de l’intolérance et de la haine raciale à une seule communauté, à l’exclusion de toutes les autres victimes. Je précise tout de suite que le retrait de cette exclusivité n’enlève en rien le caractère insupportable des souffrances et des humiliations que cette communauté a subi et continue encore d’endurer.
  2. Ce mot galvaudé à l’excès sert désormais de paravent à une élite, n’appartenant pas forcément à cette communauté, pour protéger des intérêts et une position de classe, voire même tout un système, et ce depuis la fin de la Seconde guerre mondiale. En témoigne la création initiée par les puissances occidentales de cette tête de pont impérialiste, colonialiste, qu’est l’État d’Israël, contre l’avis même de certaines personnalités juives aussi peu suspectes que Albert Einstein et Hannah Arendt. Dès 1948, dans une lettre au New-York Times, ceux-là s’inquiétaient déjà des dérives « fascistes » (je cite) qui accompagnaient la création de cet État.
  3. Il me paraît d’autre part particulièrement odieux que des membres de cette communauté puissent se servir des souffrances subies par leurs anciens pour protéger impunément des intérêts de classe. Et un système aujourd’hui en pleine capilotade : le système capitaliste. Sans juger des motifs de cette agression intolérable contre ces trois jeunes (laissons à la police le soin de mener l’enquête, et c’est pourtant peu dire qu’en ce moment la police, comme sous Vichy…), je dénonce sans l’ombre d’une culpabilité ce nouvel emportement médiatique, cet acharnement sournois à vouloir faire coller  »a priori » des faits qu’ils ne connaissent pas à une stratégie de défense de classe détestable. Et je range aux rayons des accessoires déchus, ce mot d’ « antisémitisme » malheureusement usé à la corde et corrompu.

Notes

* Jean-Yves Camus, bloggeur.

A propos de Pierrick Tillet 3377 Articles
Un voyageur à domicile en quête d'une nouvelle civilisation.