Feuilleton de l’été – Vivre malgré tout 3/6

3. Punition

[Expérience : un rat dans une cage comportant deux compartiments. Entre ces deux compartiments, une cloison et une petite porte. Le plancher grillagé de chacun de ces deux compartiments est relié à une petite source électrique.]

Le plancher du compartiment où se trouve le rat est électrifié intermitemment. Avant que le courant électrique passe dans le grillage du plancher, un signal sonore prévient l’animal qui se trouve dans la cage que quatre secondes après, le courant va passer.

Le rat ne le sait pas au départ. Mais il apprend vite. Au début, il est inquiet. Puis très rapidement, il s’aperçoit qu’il y a une porte ouverte et il passe dans la pièce à côté.

La même chose se reproduira quelques secondes après. Mais le rat saura vite qu’il peut éviter la punition, le petit choc dans les pattes, en passant à temps dans le compartiment où il était au début.

Cet animal qui subit cette expérience pendant une dizaine de minutes par jour, pendant sept jours consécutifs, au bout de ces sept jours va être en parfait état, en parfaite santé. Son poil est lisse. Il ne fait pas d’hypertension artérielle. Il a évité par la fuite la punition. Il s’est fait plaisir. Il a maintenu son équilibre biologique.

Mais ce qui est facile pour un rat en cage est beaucoup plus difficile pour un homme en société. En particulier, parce que certains besoins ont été créés par cette vie en société. Et cela depuis son enfance. Et il est rare qu’il puisse, pour assouvir ses besoins, aboutir à la lutte, lorsque la fuite n’est plus efficace.

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[Poursuite de l’expérience. Désormais, la porte de fuite entre les deux compartiments de la cage est fermée…]

Dans cette seconde situation, la porte entre les deux compartiments est fermée. Le rat ne peut pas fuir. Il va donc être soumis à la punition à laquelle il ne peut pas échapper.

Cette punition va provoquer chez lui un comportement d’inhibition. Il apprend que toute action est inefficace. Qu’il ne peut ni fuir, ni lutter. Il s’inhibe.

Et cette inhibition, qui s’accompagne d’ailleurs chez l’homme de l’angoisse, s’accompagne aussi dans son organisme de perturbations biologiques extrêmement profondes.

Si bien que si un microbe passe dans les environs, alors que normalement il aurait pu le faire disparaître, là il fera une infection. S’il a une cellule cancéreuse qu’il aurait détruit, il va faire une évolution cancéreuse.

Ces troubles biologiques aboutissent à tout ce qu’on appelle les maladies de civilisation, ou psychosomatiques : les ulcères de l’estomac, les hypertensions artérielles, l’insomnie, la fatigue, le mal-être…


Vivre malgré tout

  1. Les trois cerveaux
  2. Les autres
  3. Punition
  4. Le mur du langage
  5. Inhibition de l’action
  6. L’inconscience
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Un voyageur à domicile en quête d'une nouvelle civilisation.