MAI 2008, UN TOURNANT DÉCISIF

Mai 2008 s’achève et déjà nous pouvons savoir qu’il représentera une rupture capitale dans notre histoire. Sans doute pas celle que nous disions espérer avec une once d’ironie en évoquant Mai 68. Mais un tournant décisif dans la déchéance de l’Empire. Insensiblement, avec cette crise profonde du pétrole, nous abordons la dernière phase du sabordage final. Nous n’avons plus d’autre choix que d’essayer d’être les maîtres de notre destinée. Tout de suite.

Le pétrole est le fondement même de la civilisation néo-libérale, dite aussi occidentale, qui vit le jour au lendemain de la Seconde guerre mondiale. C’est cette base vitale qui est aujourd’hui en train de s’effondrer. Or que devient une bâtisse sans ses fondations ? Plutôt que de les reformuler, reprenons ici les mots qu’Agnès Maillard du [Monolecte|http://blog.monolecte.fr] laissa dans les commentaires d’un billet précédent$$[Queues de lottes|http://www.yetiblog.org/index.php?2008/05/23/305-queues-de-lottes#c5563].$$ :  » »Je ne pense pas que la chute de l’Empire va être lente. Tout système a sa propre inertie. Quelqu’un qui perd subitement ses revenus ne devient pas pauvre sur le champ : il consomme d’abord ses réserves, puis il emprunte pour durer encore un peu, puis, enfin, ne pouvant plus faire face à ses dépenses et ses créanciers, il sombre subitement dans la misère. Le pétrole, c’est pareil : tout le monde sert la ceinture pour continuer à payer le plein, rationne les trajets, vit sur les réserves, mais bientôt, ce ne sera plus du tout possible, et là, le système va s’effondrer d’un coup. En effet, le pétrole est la base de notre organisation socio-économique. Une fois qu’il est trop cher, les salariés ne peuvent plus se rendre à leur boulot, les marchandises ne peuvent plus traverser 4 fois l’Europe pour limiter les coûts, les cadres ne peuvent plus jouer à saute-mouton entre les continents, les vacanciers ne peuvent plus traverser la France pour aller s’entasser sur la même plage ou sur les même pistes, rien ne circule plus, ni les matières premières, ni les hommes, ni les marchandises. Les usines délocalisées deviennent inatteignables, le plastique n’est plus bon marché, les emballages doivent se conserver et beaucoup ne peuvent plus ni se chauffer, ni se déplacer… » » RIEN. Rien ne saurait désormais inverser cette tendance. Il est faux de penser que les tenants de l’Empire ont tout prévu, mis secrètement sur pied je ne sais quelle solution magique, découvert je ne sais quelle divine nouvelle énergie de perlimpinpin censée suppléer la défaillance de la matière première reine, anticipé je ne sais quel forage miraculeux sous les glaces des pôles fondant comme peaux de chagrin ou, c’est la dernière révélation comique des médias, dans le Jura. Trop tard. Pour l’heure, c’est le sauve-qui-peut imbécile, la fuite en avant suicidaire. À l’image des ces salauds du CAC 40 (oui, « salauds », je pèse mes mots) qui viennent de s’augmenter de 58 % en 2007. Dites-moi un peu à quoi va leur servir leur sale fric ? À RIEN. En réalité, ils pètent de trouille, se livrent à de vulgaires actes de piratage, comme de vulgaires voyous profitant d’un désordre. Ne font qu’exacerber pour RIEN un peu plus les rancœurs qui finiront forcément un jour par leur exploser à la gueule, ce qui sera amplement mérité. Au moins devons-nous savoir ce qui nous attend : plus de compromis ou de discussions possibles avec ces crapules (ce qui exclut du jeu les négociateurs institutionnels, syndicats, partis « socialistes et libéraux », qui parient encore, par naïveté ou calcul, sur leur compréhension ou leur compassion). On ne discute pas avec les salauds, on les met hors d’état de nuire, on les passe par les tribunaux. La hausse du pétrole va inexorablement se poursuivre. Les conflits entre nations pour les reliquats d’or noir vont s’exacerber. La machine économique va se gripper dangereusement. Comme à leur stupide habitude, les humains attendront la catastrophe avant de réagir. Or c’est pendant ce laps de temps de désarroi, sur ces ruines lamentables, qu’il nous faut songer dès MAINTENANT à rebâtir. J’emploie le présent à dessein. C’est MAINTENANT que chacun doit entrer en action. À sa façon, même s’il la croit bien modeste. Comment agir ? C’est à chacun selon ses moyens et son inspiration. J’en ai vu suggérer ici-même d’assez croquignolesques. Par Jardin, Céleste et consorts… Pour ma part, je vous raconterai un jour comment j’essaie de me transformer en promoteur immobilier « révolutionnaire » (on ne peut plus parler de « projet », puisqu’il est en cours.) Ces derniers temps, j’ai parcouru inlassablement les blogs amis, les sites dits de gauche, les médias du web qui nous sont proches. J’ai été frappé par l’atmosphère de désolation et de découragement qui y régnait. Je comprends ce désespoir, bien sûr. L’affaire s’annonce si délicate. Tout par en couille, le pétrole, le marché de l’immobilier, les marchés financiers, le « moral des ménages », le prix de la bouffe, nos certitudes, nos ultimes illusions… Pourtant, c’est bien MAINTENANT que chacun va devoir montrer ce qu’il a dans le ventre. C’est le moment ou jamais de garder nos nerfs, d’oublier notre ironie, de ne plus céder à la dérision impuissante, de cesser de se lamenter sur les erreurs du passé ou les manquements des autres. D’arrêter de cogner en vain sur le voisin au prétexte qu’il n’est pas dans le bon « collectif unitaire », qu’il a deux ou trois vues que nous ne partageons pas complètement. Que trucmuche a autrefois un peu déraillé, tandis que nous avons nous-mêmes oublié nos propres dérapages. Toutes ces fadaises étouffantes et si chiantes. Ça, c’était bon il y a encore quelques semaines, quand il fallait encore bousiller ce qui restait des murs de l’Empire, quand nous n’avions rien d’autre à faire que de nous échauffer le poil pour passer le temps et tromper notre impatience. Mais voilà, c’est fini. Quelles que soient ses dernières et tragiques capacités de nuire, l’Empire est durablement cuit. C’est sur nous seuls qu’il va falloir désormais compter. Gémir, c’est se démettre.  » »Ce qui suscita notre révolte, notre horreur, se trouve à nouveau là, réparti, intact et subordonné, prêt à l’attaque, à la mort. Seule la forme de la riposte restera à découvrir ainsi que les motifs lumineux qui la vêtiront de couleurs impulsives. » »%%% (René Char –  »Recherche de la base au sommet »)

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Un voyageur à domicile en quête d'une nouvelle civilisation.