» »On ne se connait pas bien, je commente rarement chez toi. Mais quand je lis tes billets, je suis toujours déçue par la conclusion, qui est toujours un peu la même » (…) »: le monde va à la catastrophe, la plupart des gens méritent ce qui va leur arriver, seul-es ceux et celles qui restent debout et conscient-es s’en sortiront, y’a qu’à attendre. » » Je résume ici un commentaire précédent signé par Christine ([Le(s) suiveur(s) des choses|http://aldebaran.eu.org]). Euh bon, si tant est que quand on est mal compris, c’est qu’on s’est mal exprimé, je vais essayer de préciser ici le contenu des deux cent dix premiers billets de ce blog. (Pas de panique, je vais faire court !)
Chère Christine, je t’assure que je n’ai jamais pensé que le monde allait » »à la catastrophe » ». Je crois seulement que le système socio-economico-politique qui régit l’Empire occidental atteint bel et bien la fin d’un cycle, comme c’est d’ailleurs déjà arrivé bien souvent dans notre histoire. Soit du fait de sa propre arrogance, soit du fait que la Nature mise à mal lui signifie son congé. Ce qui risque de se passer par contre, et d’ailleurs c’est déjà commencé, c’est que cette fin de cycle, comme les précédentes, ne se passe pas sans considérables dégâts « collatéraux ». Non, je ne pense pas non plus que » »la plupart des gens __méritent__ ce qui va leur arriver. » » Ce » »mérite » » très punitif m’a un vague air de culpabilité judéo-chrétienne que personnellement j’abhorre. Et le qualificatif de « veaux » est évidemment une saute d’humeur et de colère de ma part (on a beau vouloir être un Yéti des cîmes, on n’en reste pas moins homme du ras des pâquerettes$$NB : je viens de mettre hors-ligne le billet précédent ( »Sauve qui peut ! »). Christine avait raison, la conclusion en était inutilement méchante (pour les « veaux »), mouvement de dépit que je regrette.$$). Je crois cependant que les solutions ne viennent jamais de ces « masses populaires » que d’aucuns idéologues mettent un peu précipitamment et commodément en avant pour justifier leurs propres actions. Je constate simplement, toujours au fil de l’Histoire, et à mon grand regret, que ces fameuses masses suivent toujours le vent. Que ce dernier soit bon ou mauvais. En ce moment, tu conviendras qu’il est particulièrement mauvais. Non, je ne pense pas enfin que » »seul-es ceux et celles qui restent debout et conscient-es s’en sortiront » ». Je constate simplement, et ce n’est pas du tout la même chose, que » »seul-es ceux et celles qui restent debout et conscient-es » » parviendront à faire tourner le vent mauvais dans un sens meilleur. Et à entrainer les masses avec eux-elles (enfin une quantité suffisante pour faire bouger un peu les choses !) Tu veux des exemples dans le passé ? Je te cite les plus connus (mais il y en a aussi beaucoup d’anonymes) : Nelson Mandela, Martin Luther King, Lucie Aubrac, Germaine Tillion (décidant de sauver la vie et l’honneur de ses compagnons de Ravensbruck EN LES FAISANT RIRE !) … J’ai encore moins pensé ou écrit » »qu’y a qu’à attendre » » !!! Nous sommes dans une très mauvaise passe (d’où mes conclusions à répétition), pris dans un engrenage si complexe et si avancé que plus personne n’est en mesure d’arrêter ou de maîtriser la tempête. Je crains beaucoup, également, que les quelques forces (partis politiques, syndicats, personnalités…) qui prétendaient contrebalancer ce mouvement de vertigineux déclin n’aient implosé et se soient dissoutes dans la vacuité. Il va falloir reconstruire, SANS ATTENDRE, des forces nouvelles. Et j’ai la conviction que ce ne sera pas sur les ruines du passé. Avec des recettes éventées. Que le plus dur pour nous va précisément être de nous en débarrasser. À lire certains billets et nombre de commentaires sur ce blog ou ailleurs, ce n’est pas encore gagné. Je crois sincèrement que chacun d’entre nous doit d’abord se reconstruire lui-même, oublier ses vieux livres de cuisine, se délivrer des tics éculés et des préjugés encroutés qui nous gangrènent. Il est indispensable que chacun analyse avec minutie et un œil totalement neuf la situation présente, pour sauver ce qui peut être sauvé, et reconstruire le moment venu quelque chose d’un tant soit peu cohérent et vivable. En un mot, non pas se poser en modèle, mais avoir en toute modestie la prétention démesurée d’être de ceux, toujours rares, qui se proposent de changer le sens du vent. Car ce n’est pas d’une réaction miraculeuse des masses, ni de l’arrivée d’un messie providentiel que viendra le salut. Mais de chacun de nous et du travail qu’il accomplira sur lui-même et avec les autres. Nous ne pouvons compter que sur nous-mêmes. Je ne sais pas toi, Christine, mais chez moi, y a encore du boulot à faire ! C’est en tout cas tout le sens de ces « chroniques d’un voyageur à domicile », quidam qui essaie de voir le monde alentour avec un œil un peu neuf, pour essayer d’en tirer et d’en partager avec sa petite bande, la substantifique moelle. Tu es invitée si ça te chante.