FAIBLESSES DE L’EMPIRE

On glose souvent sur la militarisation policière de la planète, sur les risques qui pèsent sur nos libertés, sur la mise en fiches de tous les individus du globe, sur la manipulation des masses par les médias aux ordres. On a raison si l’on décrit les intentions des puissants de l’Empire. Mais la réalisation de ces intentions prend sacrément la flotte ! Et les fissures qui lézardent la forteresse, de plus en plus criantes, mettent en péril leur vaisseau boursoufflé. Prenons quelques exemples en commençant par le plus rigolo : cette affaire du Ponant et l’inénarrable arrestation, par la grande armée française, d’une poignée de « pirates » faméliques.

Imaginons un voilier grand luxe à l’image de notre arrogance de repus, naviguant dans les eaux somaliennes où les populations crèvent de faim, et arraisonné par une douzaine de pirates souffreteux, de simples pêcheurs. Imaginons une des plus grandes puissances de l’Empire, avec sa cavalerie d’avions, d’hélicoptères et sa logistique sophistiquée, lancée à la poursuite des modestes forbans, contrainte malgré tout de lâcher une somme rondelette pour obtenir la libération des trente-deux benêts de l’équipage (qu’allaient foutre ces imbéciles dans ces eaux qu’ils savaient dangereuses ?), et ne parvenant au bout du compte qu’à arrêter six malheureux voleurs de poules (sur une quinzaine dénombrée), à récupérer seulement 10% de la rançon, même pas de quoi rembourser les faux frais de la piteuse expédition. Aussi grandiose que la picaresque épopée de l’avion humanitaire national parti toute trompette médiatique en avant récupérer une infortunée otage colombienne, avec le résultat formidable que l’on sait. Ces farces gauloises ridicules sont à rapprocher d’évènements internationaux autrement plus importants et plus graves. Un ancien haut responsable du Pentagone sous l’ex-ministre de la Défense Donald Rumsfeld, vient de dénoncer la  » »véritable débâcle » » que constituait l’intervention en Irak.  » » »Nos efforts là-bas » (conclut le dénommé Joseph Collins)  »ont, du moins temporairement, créé une pouponnière à terroristes et ont donné l’audace nécessaire à l’Iran pour étendre son influence à travers la région » ». On peut ajouter à cet exemple la situation en Afghanistan où il n’y a plus guère que notre malade de Foutriquet pour lécher le cul de son idole américaine en expédiant quelques centaines de bidasses supplémentaires au casse-pipe. On pourrait aussi parler de l’enlisement israélien au Moyen-Orient. Une armée survitaminée capable de tuer aveuglément des centaines de civils pour rien, mais infichue depuis plusieurs années de remporter la moindre victoire probante, si ce n’est sous forme de quelques rachitiques lopins de territoires pour des colons abrutis. Au sein de ses propres territoires, l’Empire ne se porte guère mieux. Le harnachement façon  »Star Wars » des « forces de l’ordre » alignées face à vous peut impressionner au premier abord. Mais regardez ces gros culs s’époumonner à courir derrière quelques manifestants décidés, pro-tibétains ou anti-saloperies quelconques. Le péplum flamboyant se transforme illico en parodie poilante. Le voyage chaotique de la flamme olympique, tellement sur-protégée qu’elle en est devenue invisible (sauf des gros culs), est symptomatique de leur déconfiture. De même que les réunions au sommet des « Grands » de ce monde, calfeutrés dans leurs blockhaus. La bande des lamentables pensait que les nouvelles technologies allaient lui permettre de bâillonner l’information et d’en contrôler les sources. Et c’est l’inverse qui se produit. Internet leur pète à la gueule et les téléphones portables, avec leurs options photographiques et de vidéo, deviennent des armes des destruction massive contre toutes leurs forfaitures fascisantes. On peut s’amuser autant qu’on veut à se faire peur en pointant du doigt l’araignée Google/Yahoo, les caméras aux quatre coins des rues, la multiplication des lois répressives, jamais nous n’avons été aussi richement et aussi rapidement informés, par les voies non-officielles, de chacun de leurs méfaits. La moindre arrestation d’un dissident (Hu Jia) par un régime aussi policier que celui de Pékin est immédiatement répercutée en boucle sur le web. Et les brûlots subversifs et d’échanges que sont les blogs se multiplient sans qu’ils soient foutus d’endiguer la vague. Tous ces quelques exemples, toutes ces défaites sans gloire de l’Empire, toutes ces voies d’eau dans leurs appareils répressifs, éclairent de manière crue l’insigne impuissance des puissances à imposer éternellement leur sinistre autorité. Ces faiblesses quasi congénitales finissent par s’enliser dans la tourmente de leurs ambitions, comme celles des armées nazies ou napoléoniennes en leurs temps. Elles entrent peu à peu dans les consciences des exclus, et ne peuvent que stimuler les désirs de résistance. Nous aurions tort bien sûr de pavoiser et de verser dans l’optimisme angélique. L’Empire possède encore quelques solides capacités de malfaisance et de nuisance. Et les années qui vont suivre vont apporter leurs lots de désolations et de larmes. Mais l’arme suprême des puissants contre la montée et la concrétisation des désirs de résistance — la peur, la terreur — est en train de s’enrayer. Le grand journaliste anglais Robert Fisk notait déjà, en août 2006, dans son journal  »The Independent », à propos de la situation au Moyen-Orient :  » »Une fois qu’un peuple n’est plus terrorisé on ne peut lui réinjecter la peur. C’est pourquoi la politique d’Israël consistant à briser les Arabes dans la soumission ne fonctionne plus. » » Puissions-nous tenir compte de cet exemple et éradiquer nos craintes. Car nous savons désormais que le seul objectif à atteindre est de participer activement au sabordage total de cet Empire malsain devenu fou.

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Un voyageur à domicile en quête d'une nouvelle civilisation.