((/images/manifs_7avril08.jpg|manif_paris7avril08|L)) Ce qui frappe dans le joli merdier semé par les manifestants contre la bien vacillante flamme olympique à Paris le 7 avril 2008, ce n’est pas qu’une poignée de frêles braillards ait réussi à ridiculiser l’armada des gros culs policiers s’échinant en vain à les poursuivre. Ce n’est pas la déconfiture retentissante de cette grotesque cérémonie officielle qui prétendait exalter les « valeurs universelles » du sport à l’ombre des matraques. Non, ce qui retient l’attention, c’est les « hou hou » lancés spontanément par la foule des badauds rassemblés, prenant fait et cause pour les émeutiers, s’emparant sans barguigner des drapeaux qu’on leur tendait pour les agiter à tour de bras.
En l’espèce, le Tibet est devenu un prétexte occasionnel, le détonateur providentiel qui déclenche l’expression d’une colère trop longtemps contenue, l’explosion de rancœurs et des frustrations accumulées. Pierre Mure, Directeur de l’Ordre Public et de la Circulation à la Préfecture de Police, reconnaissait ce mardi sur France Info que ce qui avait le plus surpris ses hommes lors du passage tumultueux de la flamme, c’était l’incroyable agressivité de la foule massée tout au long du parcours. Sifflets, jurons, quolibets et imprécations hostiles ne cessèrent d’accompagner la débâcle des pandores et des tristes sportifs de service. Il y eut déjà dans un passé récent quelques sporadiques signes annonciateurs mais encore isolés : les coups de force spectaculaires des altermondialistes contraignant les grands de ce monde à se terrer pour pouvoir tenir leurs réunions, les manifestations anti-CPE, la grande grève dans les transports publics fin 2007, les soubresauts dans les banlieues… Or voilà que l’agitation se généralise et se multiplie. Les médias du microcosme officiel peinent à dissimuler la réalité presque quotidienne des manifestations qui émaillent nos rues depuis ce début d’année. Manifestations anti-OGM, manifestations des collectifs de sans-papier, des retraités, des lycéens et de leurs enseignants, bientôt rejoints par les étudiants… Cette montée du courroux populaire ne se limite pas à la France. Il se répand comme traînée de poudre dans le monde entier : manifestations dites « du pain » en Égypte et dans les autres pays africains contre la hausse vertigineuse du prix des matières premières, jacqueries paysannes répétées en Chine, grandes grèves dans les anciens pays de l’Est comme celles de usines Renault/Dacia en Roumanie… Sans parler des foyers explosifs dans les contrées que nos puissants prétendaient sécuriser : Afghanistan, Irak, Palestine… On sent qu’une étincelle suffirait désormais à embraser la poudrière. Et la misérable flamme olympique, plutôt que d’exalter les valeurs anéanties de liberté et de fraternité, est en train d’embraser les mèches de la colère aux quatre coins du monde. Comment s’en plaindre puisqu’il est clair désormais que plus rien ne saurait se dénouer hors la rue. Nos démocraties occidentales ne sont plus que des caricatures sponsorisées par la haute finance. Et les contre-pouvoirs médiatiques ou politiques se sont délités au point de se confondre avec les cyniques du pouvoir. Le parcours sera semé d’embûches et d’incertitudes. Bien malins ceux qui pourraient en présager l’issue. Et bien naïfs ceux qui penseraient pouvoir parvenir au but en échappant au cycle des violences. Mais avons-nous le choix ? Devons-nous docilement nous laisser mener à la désolation et à la honte sans tenter de réagir ?