LA MÉCHANTE

((/images/Dati.jpg|Dati|L))S’il fallait désigner le personnage le plus désagréable sévissant aujourd’hui au sommet de l’État, nulle doute que la palme reviendrait à Mme Dati. Arrogance, cynisme et absence totale de scrupules caractérisent la démarche de cette jeune femme dont il n’est qu’à regarder la dureté du regard, le maquillage glacial, le fond de teint sépulcral et la mâchoire crispée à se rompre, pour deviner la terrible fièvre de pouvoir qui l’anime.

Passé ce premier constat d’apparence, un examen plus approfondi de son parcours et de ces actes balaie en un tournemain toute possible présomption d’innocence. Son entrée en politique est un modèle d’ambigüité : une « lettre de candidature » adressée à la gauche institutionnelle socialiste alors en place ; suivie, faute de réponse, d’un tourner-casaque immédiat vers l’autre bord d’opinion. L’ambition n’a souvent que de lointains rapports avec la conviction. L’exercice de son ministère renforce cette très détestable impression. Fort, pense-t-elle, du soutien des urnes, elle croit bon de faire fi des avis tiers, même de ceux émanant de son propre camp, pour prendre une série de mesures toutes plus agressives les unes que les autres : démantèlement des tribunaux de région, lois répressives en rafales, dépénalisation du droit des affaires… Mme Dati fait mine d’ignorer la critique, prétend avec une feinte superbe que celle-ci est la contrepartie incontournable du pouvoir. De fait, à l’heure qu’il est, les rares protestations peuvent paraître relever du cri d’impuissance. Mme Dati aurait pourtant tout lieu de se méfier. De par ses excès, elle devient sans y paraître ce personnage de théâtre caricatural qui, à force de polariser les détestations, finit sous les coups vengeurs de ses victimes. Dans les tragédies, ce personnage — le traître, le tyran, le salaud — subit immanquablement les foudres les plus cruelles avant même le dernier acte de la pièce. Il ne cède pas sans drames. Acculé, il est capable des pires excès, des vilénies les plus cruelles. Mais à la fin, il cède. Sa défaite est consommée. Il est broyé sans pitié sous les applaudissements soulagés des spectateurs. La décrépitude des mœurs politiques qui sévit aujourd’hui sur notre pays est telle que la diablesse perd tout sens de la mesure et du discernement. Saisie d’une frénésie suicidaire qui touche à la volupté, Mme Dati semble vouloir précipiter l’issue finale qui la perdra. Il suffit d’entendre, déjà, les réactions outrées de certains de ses propres partenaires pour s’en convaincre. J’attends, avec je l’avoue une certaine impatience amusée, la scène capitale du dénouement, lorsque les boues du rejet, les foudres de la sentence, maculeront les si précieux tailleurs haute-couture, les si ahurissants escarpins de comédie de la méchante.

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