LE MOMENT DE VÉRITÉ

((/images/Nasdaq.jpg|Nasdaq|L)) Eh bien voilà, nous y sommes ! Les bourses, places fortes où d’aucuns jouent leurs magots comme au casino, sont en train de dévisser sérieux. La machine est enrayée, compromettant tout le système. Ça commence à s’alarmer drôlement dans les milieux autorisés et dans les médias du cénacle. Que de commentaires interloqués ! Que d’analyses ébaubies ! Quoi ? Comment ? NOUS ? Est-ce possible ?

Je veux, mon neveu, que c’est possible ! Voilà des mois qu’on l’annonçait ici. Suffit juste d’un peu de bon sens pour comprendre. Mais le bon sens, quand on a les yeux hypnotisés par les chiffres qui défilent… Résumons : le système libéral est entièrement basé sur le moteur de la croissance financière. Plus on en a, plus il en faut. Sans croissance, plus de système. Justement, on en est là. Quelle croissance pourrions-nous encore attendre ? Il y a des lustres qu’on a tout et plus que tout. On est gros. Pour alimenter la machine à croissance, il y a des années qu’on en est réduits à créer artificiellement des besoins. Le 4X4 dernier cri, le nouveau téléviseur plasma, le téléphone qui fera bientôt le ménage, le steak clôné… Seulement voilà, le consommateur sature. Et plutôt que d’acheter le dernier petit fauve à moteur bourré d’électronique, il commence à lorgner vers la Logan ou la Tata Nano à deux balles. Ou garder sa vieille tire achetée d’occase. Et comme ceux qui ramassent le pognon se le gardent en plus pour eux sans le réinjecter dans le circuit, non seulement le consommateur sature mais, privé de pouvoir d’achat, commence à bafouiller un max. Or, jusqu’à preuve du contraire, la consommation est le moteur incontournable de la croissance. Sans consommation, plus de croissance, et sans croissance plus de système. Qu’à cela ne tienne, grâce à la mondialisation, ils restent les pays émergents, la Chine, l’Inde… Allez hop, on délocalise à tout berzingue (renforçant au passage le bazar entre nos murs, mais c’est pas grave !). Seulement il y a un hic : les pays émergents, eux aussi dépendent de la consommation. Or comme chez eux, la population a encore moins de moyens de consommer que chez nous, il leur est impératif d’exporter. Vers chez nous. Qui saturons. La boucle est bouclée, le cercle est vicieux en diable. Du coup, grosse crise de confiance, la machine sent le roussi. Certains des joueurs affolés (je veux dire, les gros richards) préfèrent passer la main, comme au poker. Ils lâchent les cartes actions pour des valeurs refuges plus peinardes, comme l’or qui atteint des sommets. Ils sont de plus en plus nombreux à se défausser, en attendant d’hypothétiques jours meilleurs. Mais contrairement aux actions, l’or est une valeur passive qui n’alimente en rien la machine. En privant la machine de carburant, les gros richards précipitent eux-mêmes sa perte. Leur perte. ///html

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/// Ça va ? Vous suivez ? Simplissime à comprendre, non ? Je continue… Il est possible que certains des agonisants cherchent encore à vous embrouillaminer le cerveau avec des explications techniques fumeuses : ce n’est qu’un rééquilibrage, un recul pour mieux sauter, on s’en remettra comme des crises précédentes,  » »la croissance est en bonne voie » » (le ministre Fillon),  » »il faut remettre la religion au coeur de la vie de la cité » » (le président Foutriquet)… Ne les croyez pas, c’est du vent. Les précédentes crises (le choc pétrolier ou l’explosion de la bulle internet, par exemple) étaient dûes à des causes bien ciblées et datées. Des cailloux dans la chaussure. Suffisait juste de changer de godasses (la bulle internet explose ? Pas grave, on passe à la bulle immobilière.) Mais là, toutes les bulles sont crevées, c’est toute la machine qui est en train d’imploser. Demandez-leur donc quelles sont les perspectives restantes. Néant. Tout part à vau-l’eau. Ils sont morts ou presque$$Lisez-donc plutôt cette [excellente interview|http://www.liberation.fr/actualite/economie_terre/304437.FR.php] de l’économiste américain Dean Baker.$$. Oui, « presque », parce que ces gangsters gardent encore une sacrée capacité de nuisance. Ils vont s’accrocher à leur cassette, leur chère cassette, comme des chiens à leur os, n’hésiteront pas à mordre ou à déchiqueter. Il va y avoir encore bien des soubresauts, bien des rebondissements, bien des douleurs. Mais l’issue ne fait guère de doute. Des morts en sursis. Le problème de la société humaine n’est plus de croître, il est de répartir au mieux ce qui existe (et encore en écrémant, il y a tant de choses inutiles). Mais ça, les margoulins des hautes sphères ne peuvent s’y résoudre. Pas plus qu’à la mort de leur système. C’est comme si on leur inoculait un venin qui les ronge de l’intérieur et les rende fous. Allergie totale. Plutôt que de lâcher prises, ces dingues sont prêts à saccager leurs édifices. Comme ces grandes surfaces qui détruisent leur énormes surplus en interdisant à leurs personnels ou aux nécessiteux de s’en emparer. Comme ces désespérés des banlieues sinistrées qui conchient leurs cages d’escaliers. Il va nous falloir bien du courage pour affronter les grains furieux qui se préparent. Au moins savons-nous où nous avons les pieds. Et si vous voyez un de ces chiens moribonds s’approcher, cognez ! Cognez le plus fort possible ! Il en va de notre survie.

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Un voyageur à domicile en quête d'une nouvelle civilisation.