AU BORD DU GOUFFRE

 » »Nous risquons une crise de 1929 … Nous sommes au bord d’une récession … En quelques mois, nous sommes passés d’une économie de l’euphorie à une économie de panique. » » Non, ce n’est pas un altermondialiste qui livre ces lugubres prédictions. Ni un ex-stalinien soiffard au comptoir du bistrot des illusions perdues. Mais Jacques Attali, mitterrandien bon teint émigré de fraîche date en Zébulonnerie fervente. Et ce n’est pas dans les pages intérieures du journal l’Humanité qu’on les trouve, mais à la une du Journal du Dimanche (daté du 17/12/2007), feuille dominicale confite en dévotion appartenant à l’héritier Lagardère.

Les augures de Jacques Attali ne sont pas isolés. Jean-Marc Sylvestre, le  »passionario » néo-libéral de France Inter, Jean-Pierre Gaillard, le boursicoteur addict, ont déjà tenu pareils propos. Jean Peyrelevade, ancien président du Crédit Lyonnais, avait en son temps alerté son camp. C’est dire la peur et le désarroi qui s’emparent de ceux qui se croyaient les maîtres du jeu, les irrésistibles conquérants d’un monde affranchi de tout autres lois que celle du divin marché. Un grain de sable pervers dans leur mécanisme. Du coup, le démantèlement forcené de notre système social auquel nos puissants effarés se livrent avec frénésie apparaît plus comme une fuite en avant accablée de ces derniers que comme une manifestation de leur toute-puissance. Le [cul-de-sac|http://www.yetiblog.org/index.php?2007/11/21/220-cul-de-sac] que nous avions évoqué dans un précédent billet donne en vérité sur un terrible précipice. Nous arrivons au dénouement d’un épisode de notre histoire.  » »À chaque mutation majeure de l’histoire, une région du monde prend le pouvoir et en remplace une autre » », écrit Attali (qui préside toujours, comble du dérisoire, la commission chargée de la « libération de la croissance française »).  » »Aujourd’hui, le grand mouvement, c’est le déclin relatif des États-Unis. Son remplacement par un autre coeur, indien ou chinois, n’est pas pour demain, mais l’émergence du pouvoir de l’Asie est irrésistible. » » On pourrait ajouter la création récente par quelques frondeurs d’Amérique latine d’une Banque du Sud qui vient faire la nique au déclinant FMI réduit, sous la houlette de son président Dominique Strauss-Kahn, (autre glorieux transfuge de « gauche ») à envisager un plan de réduction d’effectifs. On ne sait ce qu’il adviendra de cette chute désormais inéluctable. Nulle doute qu’on peut craindre de graves « dommages collatéraux », de nouvelles tragédies qui ensanglanteront l’histoire. Par contre, il est clair que les classes moyennes en pleine déconfiture, et à plus forte raison les classes déshéritées, ont beaucoup moins à perdre que les possédants et leurs mentors. Et, alors qu’elles sont condamnées à sombrer si le système en place parvenait à perdurer, il leur reste pas mal de choses à gagner lorsqu’il s’agira de rebâtir sur ses décombres. Rappelons-nous que c’est à l’issue de ces crises sanctionnant des fins de cycle qu’ont été obtenues de haute lutte les avancées sociales les plus significatives (Front populaire 1936, par exemple). Voilà pourquoi, plus que de la redouter, nous devons souhaiter et favoriser l’arrivée de cette échéance capitale. Pour ma part, je me sens prêt et impatient de l’affronter.

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