VENTS MAUVAIS

((/images/Aigrettes.jpg|aigrettes|L)) Dans un des arbres bordant le marais, on distingue d’étranges silhouettes blanches. L’œil averti reconnaîtra un petit groupe d’aigrettes garzettes s’abritant des vents mauvais du large. Arbres, buissons, joncs des marais, passants égarés sur la digue, ploient et frissonnent sous la bourrasque. Mais les points blancs, eux, ne bronchent pas d’une plume. Au milieu du déchaînement, ces cousins marins du héron ont su trouver sans coup férir le seul refuge qui les protège de la furie.

Depuis plusieurs jours, la tempête fait rage sur la côte. Les rues pavées, battues par les rafales et la pluie glaçante, sont désertes. On attend les craquements funèbres des mats dans le vieux port. Dans les bistrots, les pêcheurs de coquilles St Jacques tirent la gueule. Putain, voilà que ça recommence comme l’année dernière ! De sa maison de granit, là-bas, face aux îles de Molène et d’Ouessant ( » »qui voit Molène voit sa peine, qui voit Ouessant voit son sang » »), un ami breton me parle au téléphone de vagues de quinze mètres et de tempêtes ininterrompues depuis des heures. Jamais vu ça, vraiment ! ///html

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/// Depuis 1960, les catastrophes naturelles mondiales ont été multipliées par plus de cinq, passant de 574 dans les  »sixties » à 3232 pour la période 2000-2007. Parmi ces catastrophes, les phénomènes hydrométéorologiques (sècheresses, températures extrêmes, inondations, mouvements de terrain, tsunamis, feux et tempêtes) sont de plus en plus prépondérants et connaissent une augmentation spectaculaire ces dernières années (plus 20% par rapport à la décade 1990-1999). Avec un accroissement proportionnel du nombre des victimes$$Source : CRED International Disaster Database, rapporté par le site [notre-planete.info|http://www.notre-planete.info/geographie/risques_naturels/catastrophes_naturelles.php].$$.  » »Au grand loto du réchauffement climatique, les pays les plus pauvres savent déjà qu’ils seront perdants-perdants » », note Le Monde dans un article publié ce 10 décembre 2007$$ »[Le réchauffement, nouveau défi à la croissance des pays pauvres|http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3234,36-987630@51-913073,0.html] », Le Monde.fr du 10/12/07.$$. Bien que responsables de moins de 1 % du phénomène d’effet de serre mondial, ce sont eux qui pâtissent le plus des catastrophes naturelles. Dans l’indifférence générale. Indifférence coupable à la limite de la stupidité, car les grandes mégalopoles comme New-York, Shangaï, Miami, Bombay, Calcutta… sont elles-mêmes parmi les plus dangereusement menacées par les dérèglements du climat et la montée annoncée des eaux des océans$$ »[Les grandes cités menacées par la montée des eaux|http://www.liberation.fr/actualite/economie_terre/296895.FR.php] », Libération du 10/12/07.$$. Dans sa grande tour posée sur les bords de Seine, la grande entreprise qui m’emploie, possède d’ores et déjà son plan d’évacuation des biens et des personnes en cas d’inondation brutale de la capitale. Avec le réchauffement de la planète et la fonte des glaciers, l’explosion du nombre de  » »réfugiés climatiques » » pourrait provoquer une  » »guerre civile mondiale » », s’alarme un rapport des Nations-Unis pour l’environnement$$ »[Le changement climatique et les conflits|http://www.unep.org/Documents.Multilingual/Default.asp?DocumentID=523&ArticleID=5720&l=fr] », rapport daté du 10/12/07.$$. C’est fou ce que le mot « guerre » est à la mode ces derniers temps. Guerres en cours du Moyen-Orient, d’Afghanistan, d’Irak… Guerre envisagée à mots de moins en moins couverts contre l’Iran. Et maintenant  » »guerre civile mondiale » »… La guerre est-elle le seul et unique moyen de boucler les boucles ? de changer de cycle ? ///html

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/// Là-bas, chez mon ami breton, une procession de voitures bravent la tempête pour se rendre au spectacle des déferlantes et des gerbes d’écume sur les brisants. Dans la rue de ma petite cité portuaire, quelques touristes japonais égarés agrippent comme ils peuvent appareils photos et chapeaux en pouffant comme des collégiens en bordée. Les reliefs d’une poubelle renversée glissent sur les trottoirs avant d’être emportés par le torrent des caniveaux. Derrière les vitrines embuées des bars, les marins ruminent leur impatience dans d’interminables tournées de comptoir. Je regarde les garzettes dans leur arbre. Elles sont là, toujours, à attendre que tout ça se passe, stoïques et immobiles. Je me sens oiseau.

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Un voyageur à domicile en quête d'une nouvelle civilisation.