((/images/demenagement.jpg|demenagement|L)) C’est bizarre, un déménagement. Pendant le temps qu’il dure, c’est comme si votre vie était pliée dans des cartons. Vous avez beau avoir annoté chacun d’entre eux soigneusement, au feutre épais, vous ne vous y retrouvez plus vraiment quand vous débarquez dans vos nouveaux locaux. Un effort de familiarisation avec ces lieux encore étrangers s’impose…
D’entrée vous en remarquez les défauts, les illogismes. Cette serrure qui s’ouvre à l’envers, ce robinet encrassé par des dépôts de calcaire, ce pataquès dans les interrupteurs qui n’allument pas les ampoules escomptées… Alerté par une récente enquête de l’UFC-Que Choisir sur l’augmentation faramineuse du prix de l’eau privatisée, vous vous lancez dans l’exploration minutieuse de la tuyauterie, en quête de la fuite maligne. Et vous vérifiez dare-dare les isolations avec l’extérieur. Non seulement pour les économies d’énergie — les prix de l’électricité, du gaz ou du fioul, privatisés eux aussi, n’ont rien à envier à celui de l’eau — mais parce que vous devez faire face à un autre désagrément, de taille et persistant : DEHORS, ÇA PUE SALEMENT ! Plongé depuis des jours dans les cartons et les meubles démontés, submergé par les trop-pleins à évacuer, noyé sous les formalités administratives à accomplir, vous n’avez malgré tout pas réussi à échapper aux dernières pestilences de la vie publique : des étrangers marqués d’un chiffre sur la main à Dunkerque, un nourrisson sans-papiers placé en garde en vue par le préfet du Loiret, des sans-abri campeurs « déménagés » eux aussi par des forces de l’ordre à Paris (cf. photo), le résultat d’un référendum sur l’Europe bafoué par un divorcé sans scrupules, des syndicalistes corrompus par une obscure caisse noire patronale … Beurk ! Vite, vite, vous refermez les fenêtres à double-vitrage. Des haut-le-cœur vous révulsent. [Un air irrespirable|http://www.liberation.fr/rebonds/288623.FR.php] ! Vous voilà au milieu de votre nouveau salon. Encore aucun tableau sur les murs, mais des trous laissés par les précédents occupants. Il va vous falloir meubler tout ça, habiller l’endroit, vous reconstruire un décor. Votre nouvelle vie. LOIN DES REMUGLES PUANTS ! Mais pas seul. Ça, non ! Il y a les amis que vous côtoyez depuis des années. Et les autres, ceux que vous rejoignez sur le web chaque minute de chaque heure de chaque jour, les « virtuels » si présents que vous avez fini par les connaître aussi bien que si vous vous les étiez tricotés. Ceux qui vous accompagnent de leurs commentaires, et ceux qui vous lisent en silence, tous les taiseux ténébreux qui consentent parfois à vous lâcher un mot attendrissant en privé. Oui, c’est là qu’est votre monde. Uniquement là. Vous téléphonez sans tarder aux uns et attendez avec une impatience bouillonnante qu’on vous rétablisse votre liaison Internet pour reprendre contact avec les autres. Que nous soyons peu nombreux n’a aucune espèce d’importance. J’ai souvent déménagé. Je me suis toujours dit qu’un ami trouvé dans un endroit de passage était signe d’un passage réussi. Et s’il est vrai, comme prétendent les sondages, qu’une majorité de la population s’accommodent des relents malodorants de la vie publique, alors c’est que cette majorité pue, elle aussi. Des fois, c’est comme ça, tant pis pour elle… Mais bon, pas question de nous laisser abattre par la »turista » des médiocrités poisseuses. Essayons seulement d’être à la hauteur de nos ambitions et de préparer la machine à paires de claques pour le jour où… En attendant, tiens, occupons-nous de pendre notre crémaillère à nous ! Allez hop, qu’est-ce que vous diriez de samedi 3 novembre à 19 heures pétantes ? Rendez-vous pour tous devant nos écrans avec un verre de vin à la main. Je vous laisse, je vais acheter les cacahouètes et les noix de cajou…