CRISE DE CROISSANCE

Rien n’y fait ! Tous les officines genre INSEE ont beau le marteler en rafales et sur tous les tons ( » »la croissance française 2007 sera rachitique ! » »), la ministre Lagarde n’en démord pas :  » »On l’aura, on l’aura, on l’aura ! » » Et le président Sarkozy d’en rajouter, théâtral :  » »Bougez pas ! Je cours vous la chercher ! » » Manque de pot, c’est mort ! La croissance est une idée morte. Et le système capitaliste, qui n’existe que par elle, est en pleine sénescence. C’est le sens du __[lumineux texte testamentaire|http://www.alternativeunitaire2007.org/spip/article.php3?id_article=1844&var_recherche=+gorz]__ laissé par le philosophe André Gorz avant de disparaître. Je décrypte.

 » »La question de la sortie du capitalisme » (écrit notre homme)  »n’a jamais été plus actuelle. Elle se pose en des termes et avec une urgence d’une radicale nouveauté. Par son développement même, le capitalisme a atteint une limite tant interne qu’externe qu’il est incapable de dépasser et qui en fait un système mort-vivant qui se survit en masquant par des subterfuges la crise de ses catégories fondamentales : le travail, la valeur, le capital. » » D’abord, il y a plusieurs façons de mesurer la croissance : en  »volume », en  »indice de satisfaction », ou en  »valeur monétaire ». Cahin-caha, tout pouvait à l’extrême rigueur coller quand production en volume, satisfaction des besoins essentiels ou du simple confort, allaient de pair avec la croissance financière. Seulement voilà,  » »la production n’est plus assez rentable pour pouvoir valoriser des investissements productifs additionnels » ». Et d’ailleurs produire quoi pour satisfaire quoi ? Des 4×4, des voitures bourrées de machins électroniques inutiles, des sonneries de téléphone portable à télécharger … ? On touche là un point essentiel de la perversion humaine. Un système mis en place pour atteindre un objectif (en l’occurrence, la satisfaction des besoins de la population) finit toujours par se figer, se stratifier, d’autant qu’il consacre des positions, un pouvoir. Ceux qui l’ont s’y accrochent comme des possédés, en dépit du bon sens et de la raison, tentent de faire survivre leur coucou au-delà des objectifs pour lequel il était prévu. C’est ainsi qu’on est passé d’un capitalisme de production, de satisfaction des besoins, à un capitalisme exclusivement financier. Faute de pouvoir accroître indéfiniment la production, et surtout sa rentabilité (même en délocalisant à Pétaouchnok), les malades au pouvoir ont recours à des subterfuges pour fabriquer la seule chose qui leur reste : le fric. Ils se sont enfermés, en nous y entraînant, dans des bulles totalement fictives comme la  » »bulle financière » », la  » »bulle boursière » »… Pour éviter une récession meurtrière qui ferait exploser leur bel outil, ils ont poussé les populations à s’endetter,  » »à consommer leurs revenus futurs, leurs gains boursiers futurs, la hausse future des entreprises, les achats futurs des ménages » ». Comme fuite en avant imbécile, on ne fait pas mieux ! Surendettés à l’intérieur comme à l’extérieur, les États ont fini par abdiquer tout pouvoir aux puissances financières devenues hystériques.  » »Les promesses et les objectifs mis en avant par les gouvernements et les partis apparaissent comme des diversions irréelles qui masquent le fait que le capitalisme n’offre aucune perspective d’avenir sinon celle d’une détérioration continue de vie, d’une aggravation de sa crise, d’un affaissement prolongé passant par des phases de dépression de plus en plus longues et de reprise de plus en plus faibles. » » Et le menu fretin que nous sommes d’en payer les conséquences : production non rentable, effectifs employés qui trinquent, chômage, précarité… Voilà le plein-emploi devenue pure illusion et le travail réduit à une valeur obsolète. André Gorz enfonce le clou :  » »Les promesses et programmes de ‘retour’ au plein emploi sont des mirages dont la seule fonction est d’entretenir l’imaginaire salarial et marchand » (qui)  »empêchent d’imaginer une quelconque possibilité de sortir du capitalisme et empêchent par conséquent de vouloir en sortir. » » Vouloir défendre les droits sociaux « acquis » dans une telle débandade revient à pisser dans un violon. C’est à peu près ce que fait la sociale-démocratie si chère à nos DSK, Hollande ou Jospin. Quant aux luttes syndicales, elles  » »resteront des luttes défensives qui, dans le meilleur des cas, pourront freiner un temps mais non pas empêcher la détérioration des conditions de vie. » » ///html

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/// Les bulles, ça vaut ce que ça vaut. Quand ça pète, c’est rien que du vent. Et si nous n’avons pas tué nous-mêmes notre propre univers de vie, nous serons forcément contraints un jour de rebâtir sur les décombres. Au mot « décombres », les indécrottables avanceront qu’il nous faudrait « une bonne guerre », seule possibilité de pouvoir faire recoller production (pour l’inévitable reconstruction sur les ruines fumantes) et croissance financière. Le pire est qu’ils pourraient être exaucés.  » »Pourtant » (note André Gorz)  »une tout autre voie de sortie s’ébauche. Elle mène à l’extinction du marché et du salariat par l’essor de l’autoproduction, de la mise en commun et de la gratuité. » » Utopique ? Non, poursuit Gorz,  » »on trouve les explorateurs et éclaireurs de cette voie dans le mouvement des logiciels libres, du réseau libre, de la culture libre, de l’ensemble des biens culturels — connaissances, logiciels, textes, musique, films etc. — reproductibles en un nombre illimité de copies pour un coût négligeable. » » Cette évolution concrète touche aujourd’hui les biens culturels. André Gorz cite l’encyclopédie [Wikipédia|http://fr.wikipedia.org/wiki/Accueil]. On pourrait y ajouter l’incroyable quantité d’outils pédagogiques que s’échangent désormais les enseignants à travers des sites de plus en plus organisés ([Weblettres|http://www.weblettres.net/index.php] pour les professeurs de lettres) qui échappent de plus en plus au marché des éditeurs scolaires. André Gorz précise que les biens matériels pourraient tout aussi bien être concernés du fait de  » »la baisse du coût des moyens de production et  »(de) » la diffusion des savoirs techniques requis pour leur utilisation. » » Il donne en exemple la création au Brésil de nouvelles coopératives ( » »dans les favelas mais pas seulement » ») qui ont permis en 2004/2005 de recycler et d’autoproduire trois quarts de tout le parc d’ordinateurs. Plus près de nous, on pourrait citer le développement des [AMAP|http://fr.wikipedia.org/wiki/AMAP], ces Associations pour le Maintien d’une Agriculture Solidaire basées sur un partenariat de proximité entre un groupe de consommateurs avançant les fonds pour la production et une ferme locale chargée de redistribuer les « paniers » composés des produits une fois ceux-ci sortis de terre. L’engouement actuel pour les maisons écologiques, dites aussi « positives » parce qu’elles cherchent à produire au moins autant d’énergie qu’elles n’en consomment, relève du même souci d’indépendance.  » »Produire ce que nous consommons et consommer ce que nous produisons est la voie royale de la sortie du marché. » » ///html

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/// Je sais, on peut faire toutes les objections que l’on veut à cette proposition, on peut mettre en avant toutes ses insuffisances, probablement aussi ses limites, on peut relever que la coexistence entre l’économie de marché et cette économie parallèle ne se passera sans doute pas sans douleur. Mais trouvez donc une autre solution ! On a vu que les solutions politiques et macro-économiques se heurtaient à l’incurie de ceux qui les prônaient, à l’impuissance chronique de ceux qui prétendaient s’y opposer de front (les « anti » de tout poil), à la passivité des masses qui suivent le courant sans barguigner. La solution, commence par l’engagement personnel immédiat de chacun d’entre nous sur ces voies pas si difficiles à emprunter. Échapper au maximum et TOUT DE SUITE aux contraintes que ce monde de dingues prétend nous imposer. Les gruger sans complexes, même, s’il le faut, quand on ne peut pas faire autrement. Mais surtout, refuser leur jeu de toutes nos forces. Pas question pour autant de sombrer dans les bondieuseries régressives genre retour en arrière toute. Non, le souci est de se créer un territoire solide à l’écart de leur pétaudière libérale,  » »nous demander de quoi nous avons réellement besoin, en quantité et en qualité,  »(…) » redéfinir par concertation, compte tenu de l’environnement et des ressources à ménager, la norme du suffisant que l’économie de marché à tout fait pour abolir. » » Pour ma part, si vous voulez tout savoir, dans quinze jours aujourd’hui, je déménage pour me lancer dans la construction de ma maison en bois. Et je n’ai pas l’attention d’en rester là, ni de tergiverser sur le chemin à prendre. Certainement pas celui du petit président tout rouge, là-bas, dans sa tenue blanche immaculée de jogging, qui court, court, court après cette fichue croissance. Comme nous autrefois quand, naïfs, on nous envoyait chercher une improbable corde à tourner le vent.

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Un voyageur à domicile en quête d'une nouvelle civilisation.