((/images/Plaisirs.jpg|plaisirs|L)) Il y a quelques années, un jour anniversaire où je franchissais une énième décennie, à une époque où je m’en formalisais encore, je décidai de me lancer dans un recueil de dessins consacrés aux quelques inestimables instants de plaisirs que je supposais me rester. L’idée me vint dans le bar qui me servait alors de cantine. Ce jour-là, à une table écartée, une dame d’un âge certain contemplait avec un ravissement confondant une glace recouverte de crème chantilly sur laquelle trônait un imposant fruit rouge…
Je me souviens, je voulais absolument traquer ce qui faisait la substantifique moelle de nos existences, ces plaisirs des sens qui nous vrillaient le cerveau et le corps depuis notre prime jeunesse. Pour nous poursuivre sans doute, j’espère, jusqu’au bout du bout de nos forces. Je commençai par mes plaisirs personnels. Chaque jour, j’en traçais l’ébauche sur une nappe du bar. ///html
Dès le lever du jour, j’ouvre les fenêtres. Le soleil, la rosée, le vent me pénètrent…
/// Je montrai mes esquisses à mes compagnons de tablée. Peu à peu, ils (ou plutôt « elles », comme on le verra) se prirent au jeu. Chacun y alla de son plaisir. ///html
J’aime les parfums, l’alliance délicate des notes de coeur, chèvrefeuille et tubéreuse, jasmin et iris, cèdre, encens, musc…
J’aime les odeurs de la peau…
/// Je saisis la balle au bond, demandai à ceux et celles que je côtoyais de me donner un « petit plaisir ». Un seul mais d’importance. Les garçons en général avaient un peu de mal, noyaient leur « petit plaisir » derrière une ironie qui en désarmait l’émotion. Les filles ne se faisaient guère prier. ///html
J’aime les histoires de marins intrépides, le rituel des naufrages et des tempêtes, le corps-à-corps des hommes et des éléments déchaînés…
J’aime manger dans l’assiette des gens que j’aime… »
/// L’aventure du recueil de dessins dura une bonne année. Le cours de ma vie en fut bouleversé. Ma perception du monde changea du tout au tout. Il fallait cesser de contempler ce monde planqué derrière la meurtrière de nos yeux (« en quête de nous-même », quelle blague !). Il nous fallait sortir sur le pas de notre porte et lui taper un brin de causette. C’était au monde de s’emparer de nous, pas à nous de le conquérir. Il fallait le laisser s’engouffrer en nous avec le fracas de la vague furieuse dans le ressac, s’abandonner à ses odeurs et à ses couleurs, ses bruissements et ses cris, le laisser vous lécher la peau, le déguster à petites lampées ou goulûment, selon l’appétit du moment, quitte à nous perdre. Encore maintenant, lorsque je croise une nouvelle rencontre, je ne peux m’empêcher de lui demander son « petit plaisir ». ///html
J’aime la chair de poule parce que c’est elle qui rend le mieux le grain de la peau…
/// Et vous, à propos ?