L’ABSTENTION, UN ACTE POLITIQUE OFFENSIF

Certains avancent que l’abstention est une injure à ceux qui se sont battus et se battent encore pour obtenir le droit de vote. Pour ma part, je prétends qu’on ne peut s’abstenir que si le droit de vote a été acquis préalablement. C’est pourquoi je revendique le droit de voter librement pour ceux qui me représenteront. Et celui, tout aussi libre, de m’abstenir si aucun des candidats ne me convient.

Que retient-on des résultats du premier tour de ces législatives ? Par delà la confirmation de la « vague bleue », c’est surtout le pourcentage record d’abstentionnistes qui frappe les esprits. Bien plus que les quelques voix accordées par quelques électeurs en mal de bonne conscience à ce qui reste des Verts, du PC, ou même du PS.

Le quotidien Le Monde du 11 juin 2007 titre : “L’élection sanctionnée par l’abstention”. On se rappellera que la tendance était inverse à l’issue des présidentielles. L’élu et ses apôtres se déclaraient alors d’autant plus légitimés que la participation avait été massive. On remarquera que l’état-major de l’UMP plastronnait beaucoup moins au soir du 10 juin que lors de la soirée triomphale du 6 mai.

Depuis des années, l’Assemblée Nationale ne fait plus fonction que de vulgaire caisse enregistreuse pour le pouvoir en place. Entre majorité godillots et menace du 49/3, tout y est désespérément figé. “Gauche” et droite s’y confondent à s’en dissoudre. Je mets au défi quiconque de trouver UN SEUL exemple de contre-pouvoir exercé par l’Assemblée nationale face aux décisions de l’exécutif en place lors de ces dix dernières années. Et ce quel que soit le pouvoir en exercice, socialiste ou chiraquien.

En dehors d’un seul référendum (déjà regretté par ceux qui l’ont organisé), les seules actions d’opposition efficaces de ces dernières années se sont toujours déroulées dans la rue. Dernier exemple en date : les manifestations anti-CPE. Voter socialiste en désespoir de cause au second tour, c’est juste donner une bouffée d’air stérile à une structure qui a totalement failli dans le rôle qu’elle prétendait jouer à gauche. C’est repousser un peu plus les chances d’une véritable refondation des forces de gauche, loin des vieilles momies finissantes du passé.

Plus le taux d’abstention sera élevé au second tour, et plus la vieille Chambre sclérosée sera discréditée. Un parti quasiment unique à l’Assemblée nationale, plus un Sénat de la même couleur, qui pourra dire que nos institutions politiques, dorlotées par des médias à pensée unique, sont encore représentatives du pays qu’elles prétendent administrer ? La crise institutionnelle est patente. C’est hors des vieilles enceintes de la Ve République que se dérouleront les choses. Et l’abstention devient une arme politique.

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