TEMPS COUVERT

((/images/temps couvert.jpg|temps couvert|L)) Nous espérions un sursaut citoyen lors de ce premier tour. Nous avons eu un mouvement de crispation massif. Une sorte de réaction de rejet tardive, cinq ans après, contre les risques de séisme d’un nouveau 21 avril 2002. Je défie quiconque, malgré le fort taux de participation, de déceler le moindre enthousiasme de la part de quiconque à l’issue de ce scrutin. Perspectives bien mornes. Quoique…

Résumons. Nicolas Sarkozy a réussi son pari en rognant largement l’électorat de Le Pen et en reprenant le flambeau à ce dernier. Ségolène Royal bénéficie à l’évidence de l’effet « vote utile ». Et François Bayrou attire vers lui les nombreux hésitants des deux camps. La gauche et les Verts paient le prix fort de leurs divisions. Olivier Besancenot capitalise un petit vote de protestation sans conséquence, le PC et les Verts n’existent plus. Et les antilibéraux réunis autour de José Bové n’existent pas encore. Merci en tout cas à José d’avoir bien voulu nous accompagner dans cette galère. Ajoutez à cela que les sondages ont eu gain de cause et que les médias du microcosme peuvent pavoiser. La boucle est bouclée ! J’ai écouté les discours des deux « vainqueurs » du soir. Onctuosité cynique de l’un, langue de bois caricaturale de l’autre. « Plus rien ne sera comme avant ! » déclarent-ils à l’unisson. Du bon vieux classique sans surprise et sans aucun intérêt. Reste juste une petite formalité à remplir : le 6 mai je voterai personnellement contre Nicolas Sarkozy. Point. Rien d’autre que ce minimum syndical, pour gagner du temps à défaut d’autres choses. Sitôt les résultats connus, ma petite oiselle de douze ans s’est inquiétée de mon moral et de mon état de déception. Comment lui expliquer que je n’avais pas la moindre amertume, que je ne regrettais pas mon engagement, qu’en fait j’étais « habitué », que cela faisait des années qu’il en était ainsi ? La démocratie est quelque chose de terrible en ceci qu’elle est parfaitement représentative des limites du genre humain en proie à ses peurs$$cf. au sujet de la peur, [l’excellent article|http://blog.monolecte.fr/post/2007/04/22/Peur] d’Agnès Maillard sur son blog du Monolecte.$$. Qu’ils pensent avoir quelques reliques du passé à sauver, et nos congénères s’y agrippent comme des perdus plutôt que de prendre le moindre risque. Les démocraties ont les dirigeants que la majorité de leurs électeurs méritent. Que l’on m’épargne les discours sur les manipulations médiatiques des citoyens lambda, sur les braves gens trompés ou insuffisamment informés. C’est des bêtises. On n’éduque pas le peuple. Le peuple est composé d’individus adultes, donc responsables. Qui doivent assumer leurs responsabilités et les conséquences de leurs actes. Non, ma jolie petite furie, je ne suis ni déçu, ni accablé. Je vais faire comme j’ai toujours fait. Rejoindre ma meute, aussi peu nombreuse soit-elle, et délimiter soigneusement les limites de notre territoire en le défendant bec et ongle contre les importuns, fussent-ils majoritaires. Va pour le fait majoritaire, puisqu’il paraît que c’est un pis-aller, mais à condition qu’il ne vienne pas nous chiffonner la conscience individuelle. C’est elle qui prévaut au final. Et je crois que dans les jours gris qui nous attendent, elle va nous être sacrément utile. Ne te laisse surtout jamais engluer par la morosité et la sinistrose. La vie commence maintenant, pas au lendemain d’un « grand soir » sans cesse reporté. Il faut faire avec tous les aléas, les catastrophes environnantes. Naturelles ou humaines, c’est du pareil au même. Il faut passer entre les gouttes. Creusons notre sillon de notre côté, créons-nous nos petites euphories. Suive qui voudra. Ce n’est pas la première fois que l’on est contraint de se faire notre paradis tout seuls comme des grands avec les moyens du bord. S’ils veulent que leur monde « sommeille par manque d’imprudence »$$Jacques Brel,  »Jojo ».$$, c’est leur problème. Nous, allons nous écorcher joyeusement les genoux sur les chemins buissonniers. Et surtout dors sur tes deux oreilles, ma loute. Tout ça n’est pas bien grave.

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Un voyageur à domicile en quête d'une nouvelle civilisation.