Une époque affolée comme la nôtre est souvent cause de spectaculaires pétages de plomb. En voici un exemple grandiose, lumineux. Que ceux qui ne craignent pas le mal de mer des houles capricieuses, prennent le temps de suivre les dernières circonvolutions gymniques de notre intellectuel patenté rebelle : Michel Onfray.
J’avais lu avec un bonheur inégalé les premiers ouvrages de notre philosophe : « L’Art de jouir », « Politique du rebelle », « Théorie des corps amoureux », « Traité d’athéologie »…. J’avais eu un pressentiment désagréable lors de la parution de son dernier opus : « La Puissance d’exister » (ô ce titre !).
Désormais c’était la photo de l’auteur qui illustrait la couverture du livre, comme si celui-ci devenait le sujet principal de ses écrits. Et quelle photo ! Une sorte de portrait en négatif de l’icône médiatique qu’il disait exécrer le plus : Bernard-Henri Lévy. Quand BHL arborait triomphalement sa célèbre chemise d’un blanc éclatant, notre MO exhibait une stricte tenue noire.
La suite devait hélas confirmer mes craintes. La photo allait se faire affiche et la pensée de notre « terroriste » intellectuel exploser avec son auteur. Passons sur quelque fautes de goût dues sans doute au manque d’expérience et à la précipitation. Il accepte d’abord d’être l’invité du 7-9 de Nicolas Demorand sur France Inter avec BHL et le néo-sarkozyste Max Gallo (13/02/2007). Puis fait la une du Nouvel observateur, toujours avec son double BHL et Alain Finkielkraut, sous un titre éclairant : « Les intellos virent-ils à droite ? » (15/02/2007).
Plus fâcheuse est sa participation à l’émission de Guillaume Durand, « intitulée de manière éhontée « Esprits libres » où, BHL, André Glucskmann, Luc Ferry et Alain Finkielkraut sont, me dit-on, invités, je dis d’abord oui ».
Il dit ensuite avoir dit « non », mais il y fut bel et bien, totalement insignifiant, aphone et éclipsé devant ses illustres contradicteurs. « Consternation », gémit-il a posteriori, après avoir suivi l’émission diffusée en différé (lui qui se vante de ne jamais se regarder). « Le montage est, de fait, une opération digne de l’Orwell de 1984 ! Montée, massacrée, mutilée, transfigurée, l’émission ne veut plus rien dire. »
Le palais de la Rigolade
Un peu trop tard pour gémir, mon vieux, fallait pas y aller ! Ses prises de positions politiques allaient elles aussi rapidement donner le tournis à son dernier quarteron d’admirateurs. Le 30/12/2006, après l’échec d’une candidature unitaire à gauche, il déclare au quotidien Le Monde : « Un vote de conviction est désormais impossible. On peut voter blanc ou Ségolène Royal. »
Le 06/01/2007, bifurquant à 260°, il est un des premiers signataires de la pétition réclamant la candidature de José Bové. (NB: plus de 42.000 personnes répondront à cet appel et José Bové sera candidat.) Le 25/01/2007, dans le Nouvel observateur, sans doute désœuvré, il déclare pour meubler : « Je défends la Constitution de 1958. Je suis gaullien, « gaullo-gauchiste » aurait dit Maurice Clavel ! »
Il poursuit : « Je ne suis pas pour la VIe République ni pour un changement de Constitution. Je pense que la présidentielle, c’est, de fait, la rencontre d’un homme et d’un peuple. »
Vous suivez ? Eh bien, vous avez de la chance, parce que le 24/03/2007, notre penseur allumé annonce tout de go : « Je dois bien constater que mon engagement public pour un José Bové qui aurait rassemblé cette pléiade de gauche a échoué et qu’il en va désormais de sa candidature comme d’un ajout de la division à la division. »
Et de terminer par un sentencieux : « Pour la gauche antilibérale, les élections sont d’ores et déjà perdues, car elle ne pèsera rien du tout et n’infléchira aucunement l’équipe de Ségolène Royal. »
Enfin, le 29/03/2007, changeant une nouvelle fois de cap comme de chemise noire, il proclame : « Olivier Besancenot se pose en rassembleur. Bravo, encore bravo, toujours bravo ! »
Oubliant que ledit Besancenot réclame depuis le début cette unité en s’en tenant soigneusement à l’écart, notre derviche penseur conclut triomphalement : « Quoi qu’il arrive, et quoi qu’on fasse de cette ultime proposition d’union, je n’oublierai pas ce geste d’Olivier Besancenot. Y compris dans l’isoloir. »
Voilà, la boucle est provisoirement bouclée, après avoir fait pas mal de nœuds. Je suppose que comme moi, vous êtes un peu sonnés comme au sortir d’un de ces manèges vertigineux de foires foraines. Pas de panique ! N’essayez surtout pas d’attraper la queue de Mickey pour gagner un tour gratuit. Michel Onfray et sa « puissance d’exister » nous entraîne direct au palais de la Rigolade.