RETOUR À LA MAISON

((/images/maison du retour.jpg|La Maison du retour|L))  » »Ce soir, il fait si doux que j’ai décidé d’attendre la nuit dans le hamac en dégustant un corona. L’inaction obéit à des règles strictes dont la principale est la maîtrise du temps. Le véritable amateur a tout son temps. Il n’est pas vrai que l’oisiveté est la mère de tous les vices. Elle est très absorbante et exige une application constante. » »

Le texte qui précède est de Jean-Paul Kauffmann. Il est extrait de son dernier livre,  »La Maison du retour » (Nil éditions), que je vous recommande vivement de lire. Il y raconte son installation dans une bâtisse isolée au coeur de la forêt landaise quand, au retour de ses trois années de captivité au Liban, il lui fallait se reconstruire. Je n’ai jamais éprouvé un traumatisme similaire à celui subi par Jean-Paul Kauffmann. Mais je ressens souvent ce besoin de m’imprégner de la terre matricielle, de son calme comme de ses accès de fureur. Accepté d’être emporté par elle plutôt que l’inverse. L’agitation humaine, cette fuite éperdue pour échapper au vide existentiel, nous empêche trop souvent d’apprécier ces havres régénérants. Voilà que c’est nous qui prétendons en imposer à la terre et aux éléments. J’étais engagé dans une campagne politique harassante. Je m’y étais plongé avec une rage qui me surprenait, comme si ma vie en dépendait, exaspérant mes proches par mes irritations à fleur de peau et mes sautes d’humeur incessantes. Les hurlements des cornes de brumes qui trouèrent ce matin à l’aube le brouillard noyant l’estuaire, mirent étrangement mon exaltation politique en veilleuse. C’était pourtant des jours charnières pour notre lutte politique : notre candidat venait de déposer les cinq cents parrainages d’élus qui lui permettraient ou non de figurer dans la liste des candidats officiels à la prochaine élection. Nous avions franchi une nouvelle étape et étions suspendus à la décision d’un groupe de notables qui nous étaient distants. Je ne savais pas où nous mènerait cette aventure. Des murs immenses se dressaient devant nous. Et je n’oubliais pas que les communautés humaines étaient rarement à la hauteur des ambitions qu’elles claironnaient, plus enclines en s’en laisser imposer sans broncher les plus désolantes turpitudes. Avions-nous le choix que de nous ruer à l’assaut de la citadelle ? .  » »Le verbe résister doit toujours se conjuguer au présent » », disait Lucie Aubrac. Mais pour l’heure, la froideur mouillée du matin m’engluait dans une douce torpeur. Les cargos peinaient à se frayer un chemin dans les nappes de brumes. Derrière les arbres encore nus, perçait le soleil glacé du printemps. Pourquoi est-ce que je vous raconte tout celà ? Comme ça, pour que vous en profitiez aussi un peu, avant de repartir à la castagne. Vous voulez un café ? Je vous le prépare. Installez-vous et écoutez en attendant les mots de cet autre frère de vie qui décrit si bien la contrée où je voudrais vous croiser : ///html

Ce pays n’est qu’un voeu de l’esprit,
un contre sépulcre.

/// >  »Dans mon pays, les tendres preuves du printemps et les oiseaux mal habillés sont préférés aux buts lointains. » > >  »La vérité attend l’aurore à côté d’une bougie. Le verre de fenêtre est négligé. Qu’importe à l’attentif. » > >  »Dans mon pays, on ne questionne pas un homme ému. » > >  »Il n’y a pas d’ombre maligne sur la barque chavirée. » > >  »Bonjour à peine est inconnu dans mon pays. » > >  »On emprunte que ce qui peut se rendre augmenté. » > >  »Il y a des feuilles, beaucoup de feuilles sur les arbres de mon pays. Les branches sont libres de n’avoir pas de fruits. » > >  »On ne croit pas à la bonne foi du vainqueur. » > >  »Dans mon pays, on remercie. » ///html

(René Char – Qu’il vive)

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Un voyageur à domicile en quête d'une nouvelle civilisation.