PETITE VUE PANORAMIQUE DU CHAMP DE BATAILLE

((/images/Beit_Hanoun.jpg|Beit Hanoun|L)) Il y a une image qui me hante. Le corps de ces deux femmes palestiniennes s’effondrant sous les balles anonymes de tireurs israéliens à Beit Hanoun dans la bande de Gaza. Je me fous totalement des sinistres prétextes avancés par les assassins et relayés d’abondance par leurs thuriféraires occidentaux :  » »Elles faisaient rempart de leur corps »… « il y avait des hommes déguisés en femme parmi elles » »… Conneries ! Regardez [cette vidéo|http://bellaciao.org/fr/article.php3?id_article=36295] et vous constaterez par vous-même. Je me rappelle le film de Spielberg,  »La Liste de Schindler », je crois. On y voyait un SS très beau, très bien fait de sa personne, abattant de sa fenêtre à la carabine, sans autre motif que sa propre folie, le prisonnier (ou la prisonnière, je ne sais plus) d’un camp nazi. Même impression d’écœurement glauque. De celles qui vous retournent le ventre quand vous constatez que les êtres humains ne s’appartiennent plus.

Et c’est ce qui se passe actuellement. Les êtres humains ne s’appartiennent plus. Tout témoigne de l’emballement sauvage et suicidaire d’une civilisation humaine à bout de souffle. Le navire prend l’eau de toute part. Survolons les titres de la presse de ce 6 novembre 2006 : le conflit du Moyen-Orient ; les méfaits du réchauffement de la planète ; la mise à sac des réserves naturelles maritimes ; la fragilisation énergétique symbolisée par cette gigantesque panne électrique touchant 10 millions d’Européens en une seule soirée ; la fuite éperdue et impuissante vers le tout sécuritaire et le répressif (bientôt une nouvelle loi par agression !) ; l’exaltation infantile par des candidats aux Présidentielles de valeurs auxquelles plus personne n’accorde le moindre crédit, surtout pas ceux qui les prônent… Trouvez donc un seul élément positif, une seule lueur d’espérance dans ce fatras ! La « baisse du chômage » claironnée par nos gouvernants ? Pff ! S’il n’y avait que dans la presse. Ce matin, nous les salariés avons reçu de notre grande entreprise le [document suivant|http://www.yetiblog.org/images/surete.pdf]. Et il y a quelques temps, je dînais avec des amis bien mis sur eux qui revenaient de Londres. Ils étaient encore sous le choc d’avoir dû, comme tous les passagers de l’aéroport, enlever leurs chaussures et la ceinture de leur pantalon, avant de se voir délestés de leur tubes dentifrice et autres flacons diverses. Signes grand-guignolesques d’un monde occidental si serein et paisible qu’il contraint ses ouailles à errer chaussettes à l’air et pantalon en souffrance dans les aéroports ! Pourquoi nous est-il toujours si difficile d’admettre les évidences qui heurtent notre entendement ? Jadis, personne ne voulut entendre les témoignages des rescapés de l’holocauste nazi. Et les appelés de la guerre d’Algérie furent contraints au silence. Devant l’insupportable, nous perdons pied, aveuglés de terreur et de haine, ou pétrifiés par l’angoisse et l’effarement. Nous nous accrochons à quelques branches pour ne pas sombrer. En fermant les écoutilles, et en attendant que le cataclysme s’éloigne de lui-même, peut-être… °°°°°°°°°° Après ce sombre tableau, peut-on entrevoir quelques espoirs d’inverser la situation ? La seule chose dont je suis persuadé, c’est que rien ne s’arrangera dans le contexte de l’organisation néo-libérale actuelle. Les bouleversements qui suivent leur fameuse mondialisation aboutiront à l’effet inverse de celui escompter. Conflits exacerbés, paupérisation galopante, drames humains et tragédies naturelles. La spirale de la chute est déjà entamée. Le mirage de la croissance régénératrice est une supercherie. Il y a belle lurette que la seule utilité de la croissance est d’alimenter quelques comptes en banques opaques, tellement déjà pleins qu’ils n’ont plus ni sens, ni utilité. En vérité, la machine est devenue folle. Et les prétendus maîtres du monde, obnubilés par le délire de leur logique économique absurde, ne contrôlent plus rien de rien. Sans doute la raison pour laquelle, devenus enragés, ils en arrivent à faire tirer au jugé sur un groupe de femmes désarmées, ou à laisser croupir une bonne partie de leurs propres populations dans des ghettos murés sur eux-mêmes (banlieues, ghettos de la pauvreté, de la précarité …) Changer de monde ? En l’état actuel du monde en question, et compte-tenu des forces qui le composent, tout laisse à penser qu’il faudra attendre une déflagration planétaire (crise sociale, politique ou économique, guerre …) pour que la communauté humaine soit amenée à une remise à plat des données. Et se trouver contraint par la force des choses de rebâtir un monde sur des décombres fumants est hautement périlleux. Mais, m’objectera-t-on, on assiste à une prise de conscience politique dans certains pays. Des forces de rupture avec la logique néo-libérale sont portées au pouvoir par les électeurs. En Amérique latine, par exemple. Les altermondialistes savent aussi à l’occasion montrer leur puissance. C’est exact, on ne peut négliger cet élément. Je pense même que l’on doit s’engager résolument dans cette direction. Que c’est là notre seule chance. Mais restons un peu lucide. Si les États-Unis ne s’étaient pas embourbés aussi stupidement en Irak et en Afghanistan, je ne donnerais pas cher de la peau de ces régimes de gauche émergeant au Venezuela, en Bolivie ou même au Brésil. Il suffit de se rappeler quelle fut la brutalité de la réaction des cow-boys au temps du Chili d’Allende ou dans le Nicaragua sandiniste première version. Si d’aventure, lors des prochaines Présidentielles françaises, le ou la candidate de la gauche sociale parvenait au pouvoir, il ne faudrait certainement pas s’attendre à ce que les puissances néo-libérales et leurs alliés sur place consentent à lui ouvrir une voie royale (bon, « royale » n’est peut-être pas le terme approprié ici !) Bien au contraire, ces puissances ne reculeront devant rien pour entraver le fonctionnement de ce nouveau pouvoir. Pour être clair, ici comme ailleurs, je crains que la seule action politique ne suffise à un renversement de la situation internationale. Je dirais que la déflagration annoncée plus haut me paraît désormais inévitable. Mais que ses effets dévastateurs ne pourront être amoindris et corrigés que par une mobilisation résolue de la gauche sociale internationale. C’est beaucoup demandé ? On verra.

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