QUELQUES PAS DE PLUS …

((/images/11 septembre.jpg|11 septembre|L))  »__ »Le Congrès US légalise la torture »__ » Ce titre perdu au milieu des unes du nouvelobs.com, m’a fait l’effet d’une déflagration. Un peu comme celles produites par les avions kamikazes dans les Twin towers. Et le fait de savoir qu’une telle mesure n’est pas surprenante, qu’elle était « attendue », en renforce l’effet de souffle plus qu’il ne l’atténue. Les hérauts du « Monde libre », les chantres de la démocratie triomphante et des forces du Bien venaient, en deux petits votes presque anonymes à la Chambre des représentants et au Sénat US, de pulvériser un des fondements mêmes de la civilisation occidentale, l »’Habeas corpus ». Dans l’indifférence quasi générale. « Une régression de huit cents ans », dénonce Reed Brody, directeur du bureau européen de Human Rights Watch. Mais qui l’entend ?

Les signes d’une radicalisation des démocraties en états policiers se multiplient sans autres réactions internes qu’une apathie des populations. Et pas uniquement aux États-Unis. Ne va-t-on pas jusqu’à ficher les empreintes ADN de nos pacifiques faucheurs d’OGM, à faire la chasse aux enfants sans papier dans nos écoles, à vouloir détecter nos futurs voyous dès la crèche ? Sur les ondes d’une radio publique française, à propos d’une algarade entre le ministre de l’Intérieur français et le chef du gouvernement espagnol sur le sujet de l’immigration, un commentateur a pu déclarer sans frémir qu’il s’agissait « d’arrêter les flots d’Africains affamés qui se pressent aux portes de l’Europe ».  »__ »… arrêter les flots d’affamés »__ » ! Faut-il qu’ils soient terrifiés pour sombrer ainsi dans le grotesque et l’odieux ! Pour envisager sans vergogne de laisser crever les « affamés » à leurs portes ? Le Sénat américain, toujours lui, vient d’approuver la construction d’un mur le long de la frontière avec le Mexique pour contenir l’immigration clandestine. Israël aussi en a construit un, pour tenir à distance ceux qu’ils ont spoliés de leur terre, les Palestiniens. C’est dingue le nombre de murs que les nations « civilisées » essaient d’ériger en ce moment ! Tout ça me rappelle l’Empire romain finissant qui construisait des murailles à n’en plus finir pour se protéger des hordes de barbares attirés par ses richesses économiques. À la fin, c’est les barbares qui gagnent… ……………………….. En attendant est-il possible d’échapper à ce désastre ? De résister à leur entreprise de destruction ? La priorité des priorités est à mon sens de s’imposer une prise de conscience individuelle, adopter quand besoin est une démarche résolue de désobéissance civique de tous les instants. C’est à chacun d’entre nous de décider de ses lois, de ses valeurs. Plus à eux. Isolés, ne pas les prendre de front, éviter les démonstrations de gloriole suicidaire. La poitrine nue offerte aux chars sur la place Tien an Men, c’est bien pour la photo, mais quatre-vingt dix-neuf fois sur cent, c’est le char qui passe et la poitrine qui trépasse. Peut-on envisager une révolte individuelle sans relais politiques ? Bien sûr que non. Mais dans le cas présent, je crains que l’action politique ne suffise pas. Pour plusieurs raisons : – inutile d’attendre la moindre lueur du fait majoritaire. Dans les périodes de crises aigues, les majorités ratent toujours les trains de l’Histoire. Plus des deux tiers des Suisses viennent d’approuver un durcissement des lois de leur pays sur l’immigration. Et à l’époque, la majorité des Français soutenaient sans problème le régime du Maréchal Pétain. Quand il lança son appel à la résistance du 18 juin, Charles de Gaulle était loin de s’appuyer sur une majorité ; – une lutte politique démocratique suppose que les adversaires respectent un minimum de règles communes. En multipliant les lois répressives, en adoubant l’usage de la torture, les tenants du pouvoir se sont clairement placés en dehors de ces règles. Les dés sont pipés. Ce ne sont pas quelques bulletins de vote qui leur feront lâcher le morceau ; – enfin, et pour les mêmes raisons, il est illusoire d’imaginer que l’on puisse composer, transiger, se placer sur le terrain des négociations avec ceux qui nous gouvernent. Le fossé est béant. Seul compte le rapport de force. Vous trouvez mon propos excessif ? Allons, allons, citez-moi une seule de leurs initiatives qui n’aille pas dans le sens de la régression sociale, d’une tentative de mainmise dictatoriale sur les richesses de la planète et sur les humains qui la peuplent. Pour ma part, je ne me sens plus de leur monde. Qu’ils sachent une chose : je n’ai plus envie de m’indigner de leurs méfaits. L’indignation suppose une part de surprise. Or, je ne suis plus surpris de rien venant d’eux. Et je n’entends pas les laisser me manger la laine sur le dos.

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Un voyageur à domicile en quête d'une nouvelle civilisation.