LA « FÊTE » DU TRAVAIL

 »1er mai : c’est la fête du Travail ! » Ben justement, je me préparais à la lui faire, sa « fête », au travail ! On essaie encore de nous faire avaler que le travail est la seule valeur référente et incontournable pour pouvoir « se payer » le droit de vivre. « Travailler plus pour gagner plus », qu’ils disent. Ah, ils doivent bien rigoler, les actionnaires rentiers des fonds de pension ! Le problème, c’est que beaucoup parmi nos amis croient encore dur comme fer à ces sornettes. Ils réclament le retour du plein-emploi à cors et à cris, et montent en mayonnaise si on leur parle de raisonner la croissance.

Le travail n’est pas une valeur en soi. Le travail est une contrainte nécessaire que l’on se doit de partager pour produire les biens et services nécessaires à la survie et au confort du groupe. Pas de pain sans boulanger, de bus sans conducteurs, de médecine sans médecins…

Jusque là, d’accord. Mais tout au long de leur histoire, les humains n’ont eu de cesse d’échapper aux contraintes du travail grâce au progrès technique. Et ils pourraient bien y parvenir ! Nous avons désormais atteint un tel niveau de développement technique que le plein-emploi se justifie difficilement.

– Oui, mais le travail assure l’épanouissement des individus, leur confère un statut dans la société, leur attribut une utilité, une… euh… une valeur.

Allons, allons ! On confond travail et fonction. J’oppose le  travail (du lat.  »trepalium », « instrument de torture ») à la fonction  (du lat.  »functio », « rôle, utilité d’un élément dans un ensemble »). On peut avoir une fonction dans une société sans nécessairement avoir un travail au sens économique du terme, encore moins un revenu. Exemple : un mendiant, une mère de famille, un bénévole associatif ont une fonction sociale, mais sont considérés par l’administration comme « sans profession ».

J’attends d’un projet politique cohérent qu’il revalorise cette notion de fonction, y compris et surtout pour ceux qui n’ont pas de travail. Passe encore pour le journaliste ou l’avocat, mais je doute que le ramasseur de poubelles s’épanouisse vraiment dans son métier. Et si l’utilité de sa tâche ne peut être niée, je ne suis pas sûr que son statut soit si enviable. Quant à la ‘ »valeur », laisse-moi rire ! Diras-tu que la mère au foyer – oui, oui, c’est aussi un travail, même s’il n’est pas payé – ne vaut plus un clou parce que l’invention de la machine à laver le linge ou la vaisselle l’a soulagée d’une partie des tâches ménagères ?

− N’empêche que – enfin bon… sauf peut-être pour la mère de famille – pas de travail, pas de salaire !

Ben pardi ! Ce qui est sûr, c’est que ceux qui profitent des gains de productivité offerts par les machines, ont tout intérêt à continuer de porter bien haut ce genre de fadaises. Et ils ne s’en privent pas ! Quel meilleur moyen pour conserver à leur seul profit ces fameux gains de productivité ? Et surtout ne pas les partager avec ceux que les machines ont « soulagés » de tout emploi. On se contente juste d’assurer à ceux-là quelques miettes rmistiques pour panser leurs plaies et leurs désespoirs. Et se garantir un minimum de paix sociale.

– Non, non, ôte-moi d’un doute terrible, tu ne vas pas me dire qu’il faut PAYER LES GENS À NE RIEN FAIRE ???

Tout est une question de perspective. Malgré nos progrès techniques « soulageants », nous en sommes restés à nos vieux schémas de pensées, ceux de l’époque où il fallait vraiment que tout le monde se redresse les manches pour garantir le minimum vital à la communauté. Le salaire n’était pas seulement une « récompense » au travail, mais une manière d’inciter chacun à participer à l’effort commun. Celui qui se la coulait douce était un poids parce qu’il obligeait les autres à faire sa part de boulot à lui.

Choses ont bien changé depuis. Il faut beaucoup moins de travail pour produire les richesses et les services dont nous avons besoin. Mais le travail, pour les raisons évoquées plus haut, reste la seule valeur de référence sans laquelle il n’y aurait point de salut.

Je maintiens qu’il faut revoir ces schémas de pensée et réenvisager la réorganisation de la vie sociale et économique de la cité humaine en fonction de ces nouvelles données. Le but de la communauté humaine devrait être, non pas de donner le maximum de travail aux individus, mais d’essayer de les en soulager du mieux possible. Sans qu’ils en perdent pour autant leur valeur, leur statut, leur utilité. La véritable révolution, celle des esprits, est là.

– Ça donne le vertige !

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Un voyageur à domicile en quête d'une nouvelle civilisation.