LA CROISÉE DES CHEMINS (1/2 – Le cycle des ténèbres)

((/images/tenebres.jpg|Ténèbres|L)) Dans un précédent article ([La fin d’un monde ?|http://www.yetiblog.org/index.php?2005/11/03/16-la-fin-dun-monde]), j’essayais d’évoquer ces fins de cycle qui, tous les dix ou vingt ans, marquent l’histoire des sociétés humaines (Première Guerre mondiale, grande crise de 1929, Seconde Guerre mondiale, bouleversements des années 60/70, chute du bloc soviétique…. Ces ruptures précèdent, après des périodes de flottements parfois douloureux, le début de nouveaux cycles. Eh bien, je crois que cette fois, nous y sommes.

La loi sur « l’égalité des chances » (sic) qui vient de recevoir l’adoubement du Conseil Constitutionnel, précipite la fin du système social français tel qui régissait nos vies depuis des décennies. Nous sommes désormais à la croisée des chemins, un moment décisif : soit ceux qui nous gouvernent parviennent à imposer leurs lois, et nous entrerons dans un long cycle de ténèbres où quelques puissants s’arrogeront pouvoirs et richesses au détriment du plus grand nombre ; soit nous parvenons sans tarder à enrayer ce déclin en rétablissant la prééminence du politique sur l’économique et les finances, et nous rétablirons, comme nous avons su le faire par le passé, cette petite lueur de justice sociale que le reste du monde nous envie. __Le cycle des ténèbres__ Après en avoir appelé aux usagers en colère, puis aux étudiants anti-blocage soucieux de leurs examens, voici que les médias français du microcosme s’en remettent aux avis éclairés des « médias étrangers féroces » (Libération du 30/03/06) qui, soit dit en passant, appartiennent aux mêmes puissances financières que leurs cousins gaulois. Il est piquant de constater que plus ces médias « étrangers » sont conservateurs, plus ils fustigent… notre conservatisme et notre immobilisme ! Ainsi le très droitiste Daily Telegraph anglais s’étonne que  » »les étudiants » (français)  »veulent revenir en arrière » (…)  »à un certain âge d’or où les emplois étaient à vie et l’État prenait soin de tous les malades » ». On ne saurait faire déclaration plus révélatrice des intentions de ceux qui se sont emparés du monde. La France était encore parvenue à rester un îlot anachronique parmi ses voisins occidentaux aux mains des puissances néo-libérales$$Reconnaissons cependant que quelques pays du nord de l’Europe, plus effacés des regards braqués sur le monde en raison de leur taille plus modeste, ont su bâtir dans leur coin des structures garantissant à leurs populations des moyens de protection sociale relativement efficaces$$. Que nous a-t-on vanté les mérites du modèle anglais ou américain ! Avec ce langage soporifique fleurant bon l’euphémisme dont ils usent pour domestiquer les esprits$$Sur ce sujet, je recommande vivement la lecture de  »LQR la propagande du quotidien » d’Éric Hazan (éditions Raison d’agir, pas cher : 5,70 €)$$, on noyait à grands coups de statistiques mirifiques sur le chômage prétendûment résorbé, une croisance idyllique ou les perspectives d’avenir offertes à nos scientifiques désoeuvrés, la réalité d’une paupérisation galopante, d’un accroissement dramatique des inégalités, un état lamentable de la santé publique, un effondrement des services publics. Car les puissants qui nous gouvernent n’ont strictement que faire de leurs populations. Après avoir mis à sac les pays dit du Sud ou du Tiers-monde, les voilà qui n’hésitent pas à s’en prendre à leurs propres concitoyens. Rien ne saurait arrêter leurs appétits inextinguibles de profits, leur soif imbécile de conquêtes. Jusqu’à présent, chez eux, ils avaient consenti ce minimum « syndical » qui sauve les apparences, rend présentables les agissements insupportables. Mais voilà, c’est désormais trop. Croyez bien que leurs contrôleurs de gestions n’auront pas le moindre scrupule à bâtir ces plans de restructurations meurtriers qui garantissent leurs intérêts. Et si besoin est, ils ne reculeront devant rien pour parvenir à leurs fins, pas même devant l’emploi de la force. Ceux qui croiraient encore à leur commisération se bercent d’illusions qui tourneront rapidement au cauchemar. Où mène cette course folle ? Je crois que les puissants eux-mêmes ne se font guère d’illusion. Ils sont emportés par une logique qu’ils ne maîtrisent pas autant qu’ils voudraient le faire croire. Leur système est à bout de souffle. Un des leurs, le banquier Jean Peyrelevalde, s’inquiétait ouvertement de ce capitalisme suicidaire de rentiers. Il n’est pas le seul. Mais si nous ne parvenons pas à reprendre les commandes de cette machine emballée, alors sa chute ouvrira les portes à tous les obscurantismes. L’extrémisme islamique a surgi sur les ruines des pays de l’hémisphère Sud et gangrène déjà les quartiers déshérités des États occidentaux. D’autres dangers menacent : dictatures d’extrême-droite, replis intégristes en tout genre si chers à toutes les religions, multiplication des zones de non-droits … Voilà, selon moi, le triste avenir que nous nous réservons, si nous laissons passer cette mesure décisive de légalisation des précarités à laquelle s’accrochent nos gouvernants. Elle n’est pas anodine : elle consacre par la loi ce dérèglement social qui se met subrepticement en place depuis quelques années. Seule, une mobilisation sans faille, longue et patiente, pourra nous permettre d’y faire obstacle. (à suivre : __le cycle des lueurs__)

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Un voyageur à domicile en quête d'une nouvelle civilisation.