LE SANG NEUF

Quand j’ai débarqué sur ces nouveaux sites d’expression qui fleurissent sur le web comme celui où je sévis — [Bellaciao|www.bellaciao.org/fr] — j’ai été agréablement surpris par la proportion de femmes qui y allaient de leur énergique grain de sel. J’avais trop souvent connu ces conversations politiques de fin de repas où s’isolait la seule gente mâle. Et on essayait toujours de me laisser accroire que le web était le joujou exclusif des mecs accros à leur « ordi ». Manquait pourtant un élément dans cet univers enfin mixte de débats passionnés : les « djeunes ». Or, les voilà qui débarquent en trombe, poussés au paroxysme du ras-la-casquette par ces crétins qui prétendent nous gouverner.

Le CPE n’est évidemment que la goutte d’eau qui fait déborder leur vase en ébullition. Mais les articles dont ils viennent de nous abreuver, au risque de clouer le bec aux vieux effervescents que nous sommes, ont tout pour réjouir. Ah, ça chauffe, ça brûle, ça bouscule ! La Sorbonne est prise d’assaut, occupée par les étudiants ou par les « forces de l’ordre » (sic), mais occupée. Les voici qui s’embrasent, qui s’illuminent, au risque de quelques implosions malencontreuses$$ » »Nous la » – la classe capitaliste –  »ferons alors travailler dans des camps de rééducation sociale, afin de les désintoxiquer du travail qu’ils veulent imposer aux autres » », dit l’un d’eux. Aïe, aïe, aïe, ce  » »camps de rééducation sociale » » me reste en travers de la gorge.$$. Enfin bon, foin des excès propres à certains dont nous pouvons encore botter le cul, il y a si longtemps qu’on les attendait, nos jeunes, nous autres les chenus ! Sera-ce nouveaux feux de paille ou braises persistantes ? On va bien voir. Pour l’heure, évitons de leur donner le moindre conseil, vu que de toute façon ils ne nous écouteront pas, et c’est tant mieux. Qu’ils empruntent les chemins qu’ils veulent, mais prennent garde aux fossés qui meurtrissent, ou aux ornières d’où surgiront les navrants BHL et Serge July de demain. Le combat qu’ils mènent, je le leur laisse. Il est à eux. Je me tiens juste humblement à leur disposition, au cas où ils éprouveraient le besoin d’un coup de main. J’ai sorti ma chaise en paille sur le trottoir, me suis assis dessus, et les regarde, le coeur battant et l’oeil brillant, partir à l’assaut des forteresses imbéciles. Tout ce sang neuf en fusion me ragaillardit le jarret. Je suis prêt à bondir. Hého, restez avec nous, surtout, les petiots ! À l’occasion, je vous invite de tout coeur à venir faire une virée au bar du  »Fou de Bassan ». Vous ignorez ce qu’est le  »Fou de Bassan » ? Pas grave, vous allez connaître…

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Un voyageur à domicile en quête d'une nouvelle civilisation.