((/images/burgaud.jpg|Le juge Burgaud auditionné par la commission parlementaire|L)) Je suis fasciné par les images que les médias donnent du juge Burgaud auditionné devant la commission d’enquête parlementaire le mercredi 8 février 2006. Ce visage blême, ces yeux affolés, ce désarroi de gamin pris en faute. Ainsi donc, c’est lui l’instructeur impitoyable qui a broyé l’existence d’une bonne dizaine d’innocents ? Eh oui, c’est bien lui ! Vous avez vu, il ressemble à tout le monde. Vous le croiseriez dans la rue, vous ne le remarqueriez même pas. Pourtant si, il me rappelle quelque chose… quelqu’un… Ah oui !
Dans la très grande entreprise qui m’emploie, il y a ceux que l’on appelle les contrôleurs de gestion. C’est un corps de métier assez récent, mais petit à petit, ils ont grignoté le terrain et occupent désormais toutes les postes-clés de la très grande entreprise en question. Ils n’ « entreprennent » pas, eux, ils « contrôlent la gestion ». C’est-à-dire qu’en gros ils vont « adapter » la gestion de la très grande entreprise pour tirer le maximum de marges au seul profit des actionnaires et de leurs hommes-liges, les cadres dirigeants dits « supérieurs ». Quel rapport, me direz-vous, avec le juge Burgaud ? LE COSTUME ! Le costume gris, gris comme l’acier des rouages des machines broyeuses. Gris avec une chemise blanche ou bleue, et une cravate sombre comme le deuil. Tous pareils. Regardez leurs têtes, comme ils ont l’air gentil, inoffensif. Comme le juge Burgaud. Un peu cucul, aussi, il faut bien le dire. Passez une soirée avec eux et vous m’en direz des nouvelles ! En dehors de leurs oeuvres, ils sont lisses et fades. Mais voilà, c’est de leurs savants calculs de gestionnaires sans âme que vont éclorent ces plans de retructurations meurtriers, cette course galopante à la précarisation, cette mise à l’écart des populations « d’en bas ». Et attention, hého, ils sont INNOCENTS, eux ! Ils ne font rien d’autres que des calculs sur des ordinateurs. Ce sont des rouages de la machine, pas la machine elle-même. Ils ont été formés, formatés comme des rouages, polis comme des boulons d’acier gris comme leurs costumes. C’est pour ça qu’ils sont si lisses et aseptisés. – »Des fois, faudrait choisir, être un boulon ou un humain en CDI ! »%%% – »T’as tout compris, canard ébahi. Et tout le problème est précisément d’éviter d’être un boulon soi-même. » Oh bien sûr, il arrive qu’un rouage se grippe, qu’un boulon d’acier pète les plombs, si j’ose dire. Comme le juge Burgaud. C’est tout juste si on ne s’apitoierait pas sur son sort, à celui-là ! Ça a l’air un peu benêt et pitoyable, un boulon pété dans la poussière. Ceux « d’en bas » le ramassent et le balancent sur ceux qui les oppressent. Ceux « d’en haut » le lâchent et l’exhibent comme l’arme du crime. Mais tout ça n’empêche pas la machine de tourner, les pièces détachées de s’accrocher. Regardez le procureur de l’affaire d’Outreau qui vient lui aussi de passer avec son costume gris devant la commission. » »Je disposais d’éléments considérables et formidables » », s’est-il obstiné à marteler pour justifier son soutien indéfectible aux accusations du juge Burgaud. À croire que les innocents restent encore un peu coupables. Et les membres de la commission elle-même, vous les avez vus ? Pour la plupart des députés qui viennent d’adopter le CPE, ce contrat qui permettra, disent-ils, à nos oisillons d’obtenir leur premier emploi… et de se faire virer dès le lendemain quand ils oseront demander comment adhérer à un syndicat. – »Oh purée, Yéti, faut qu’on arrête au plus vite toutes ces machineries infernales ! »%%% – »T’as raison, pluvier rageur. Attrape la clé de douze et siffle les copains … »