LA FIN D’UN MONDE

Je ne sais si vous êtes d’accord, mais j’ai tout l’impression que la fin d’un monde s’annonce. L’histoire est coutumière de ces fins de cycles qui interviennent tous les dix ou vingt ans : la Première Guerre mondiale, la grande crise de 1929, la Seconde Guerre mondiale (comme si la Première ne suffisait pas !), les bouleversements des années 60/70, la chute du bloc soviétique…

Meurtriers ou pacifiques, ces bouleversements brutaux précèdent toujours de longues périodes de reconstruction. Périodes essentielles que conditionnent nos engagements politiques.

Or, voici qu’une guerre sourde, sans merci, une guerre à mort oppose les intégristes libéraux des puissances du Nord aux contrées pauvres du Sud gangrenées par l’intégrisme islamiste. Une véritable guerre de religions menée d’un côté sous la bannière oppressante de la « morale » judéo-chrétienne et d’un capitalisme financier sauvage ; et de l’autre de la jihad et des fatwas hystériques.

Les puissances du Nord, lancées dans une course folle vers la sacro-sainte « croissance » qui est devenue leur unique raison d’être, s’asphyxient peu à peu. Il leur faut, pour perpétuer un système à bout de souffle, recourir aux pires extrémités, tuant ou laissant mourir (le paludisme et le sida en Afrique), ravageant (la paupérisation galopante et la précarisation infectant jusqu’à leurs propres populations), occupant (l’Afghanistan, l’Irak) ou opprimant (les contraintes unilatérales de l’OMC).

L’intégrisme islamique s’empare peu à peu des territoires désolés de l’hémisphère Sud. Mais aussi des ghettos que nos pathétiques élites ont laissé se développer dans nos faubourgs. Dites-moi donc d’où viennent les kamikazes du 11 septembre 2001 à New York, ceux de Madrid et de Londres ?

Et nos « puissants » hébétés par la désagrégation inexorable de leurs empires, recroquevillés dans leurs chapelles boursières, de lancer en soliloque leurs formules imprécatoires auxquelles ils ne croient même plus. « Nous ne cèderons pas à la violence », « force restera à la (notre) Loi ! », « le Bien (nous) triomphera du Mal (eux) ».

Remarquez qu’en face, ça ne vaut guère mieux. Ne se sont-ils pas mis en tête de faire rendre gorge à l’Impie (c’est-à-dire en gros, en massacrant tous les autres sauf eux), éventrant, mutilant au nom de chimères suicidaires sur le salut et l’éternité divine ? Préoccupés aussi de cette conquête du monde qui rend l’espèce humaine folle.

Mais voici aussi que des puissances émergentes comme la Chine, commencent à s’inviter à table et ne manqueront probablement pas de réclamer leurs dûs.

Ce que je sais, c’est qu’il est hors de question de choisir entre ces deux intégrismes imbéciles. Tout d’abord, pour que cela soit bien clair, hors de question de céder aux pulsions de mort, à la fascination de l’horreur de ceux qui se réclament d’Allah pour parler au nom des déshérités du monde.

Mais hors de question aussi de nous replier sur un camp au seul prétexte qu’il nous serait « naturel ». Bernard Langlois écrit dans Politis (03/11/2005) à propos du grand capitalisme financier : « On voit qu’il ne manque plus qu’un petit effort et quelques lettres en plus pour le désigner pour ce qu’il est vraiment : un totalitarisme. On n’aménage pas un système totalitaire, on ne cherche pas à l’améliorer par petites touches, on le combat frontalement jusqu’à ce qu’il s’effondre. »

Rudes combats en perspective, auxquels je suis bien décidé de participer. Il nous faudra, je le sais, affronter de sacrés grains, nous accrocher pour ne pas être emportés par la tourmente. Rester lucides et groupés. Ne pas gaspiller nos forces en vaines palabres sur des sujets obsolètes, en chamailleries inutiles sur des futilités hors propos, à gesticulailler, à nous époumoner dans des impasses sans intérêt.

– Oui mais, dis donc, Yéti jacassant, qu’est-ce qui se passera si d’aventure, vous gagnez ? Qu’est-ce que vous mettrez en place sur les ruines fumantes ?
– Claque ton bec, échassier impatient ! J’essaierai d’y réfléchir dans un prochain article. Pour l’heure, si tu veux bien, allons de ce pas souffler un peu autour d’une bouteille d’un petit vin gouleyant que nous boirons entre ami(e)s, à la santé de la Vie qui elle, tempêtes ou pas, continue.

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Un voyageur à domicile en quête d'une nouvelle civilisation.