Castro est mort. Nul doute que notre microcosme médiatique va s’en donner à cœur joie dans le dézinguage nécrologique bien fielleux. Je me contenterai pour ma part de reproduire ici un petit bilan comparatif de la révolution castriste, déjà publié ici le 14 août 2016 à l’occasion du quatre-vingt-dixième anniversaire du vieux comandante.
Droits de l’homme et liberté d’expression
Le point sur lequel le régime castriste est le plus attaqué (par les médias occidentaux) est celui des droits de l’homme et de la liberté d’opinion. Examinons les derniers rapports d’Amnesty International sur la situation à Cuba et comparons avec celle des États-Unis :
- Rapport d’Amnesty International sur Cuba 2015-2016
- Rapport d’Amnesty International sur les États-Unis 2015-2016
Certes, la liberté totale d’expression[1] n’est pas de mise à Cuba. Mais l’est-elle beaucoup plus dans des pays où la liberté d’expression est conditionnée à l’argent de ceux qui détiennent tous les médias ? À Cuba, on interpelle les protestataires, on multiplie les pressions sur eux. Mais pas de peine de mort, la torture n’y est ni pratiquée ni légalisée, la police ne tire pas dans le dos de ses minorités et le seul bagne sordide qu’on trouve sur l’île, en dehors de toutes règles juridiques, s’appelle Guantanamo[2].
Le taux de mortalité infantile
Pour mesurer le véritable état de santé physique, mental et moral d’un pays, il est une autre variable bien plus significative que les chiffres du PIB ou de la croissance : le taux de mortalité infantile[3]. Il renseigne sur le véritable état de santé des habitants d’un pays. Il témoigne de la façon dont un gouvernement s’occupe de ses habitants les plus précieux : les enfants.
- Taux de mortalité infantile à Cuba 2014 : 4,7°/°° (en constante amélioration malgré un cruel embargo de 55 ans)
- Taux de mortalité infantile aux États-Unis 2014 : 6,17°/°° (en forte détérioration par rapport à 2013)
Nos médiacrates terminent souvent une comparaison entre pays en demandant à leur interlocuteur (avec cet air entendu qui ne suppose qu’une seule réponse par eux acceptable) dans quel pays il préférerait s’exiler. Eh bien, n’en déplaise à ceux-là, je préférerais pour ma part, et de loin, me réfugier aujourd’hui dans le Cuba des frères Castro que dans l’Amérique d’un Obama, d’une Clinton ou d’un Trump. Où d’ailleurs, je refuse obstinément de me rendre, pour les mêmes raisons que je ne me serais pas rendu dans l’Allemagne des années 30/40.
<< Tout ce qu’il y a de merveilleux que cette Révolution [cubaine] a réalisé au niveau social : quelque chose d’unique en Amérique latine ; presque unique dans un pays du Tiers-Monde >> (Danielle Mitterrand).
Notes:
[1] Cette « liberté totale d’opinion » a souvent bon dos. Combien de coups d’État abjects ont été menés au nom d’un très douteux droit à la protestation, contre Allende dans le Chili de Pinochet, sur la place Maidan en Ukraine, aujourd’hui au Venezuela et avec les « rebelles modérés » de Syrie ? Libérez totalement la liberté d’expression à Cuba et vous y verrez rappliquer la horde des Cubains de Floride, poussés au cul par les sbires de la CIA. À la place des frères Castro, un nouveau Batista.
[2] Le camp de Guantánamo se trouve sur la base navale US de la baie de Guantánamo dans le sud-est de Cuba.
[3] Lorsqu’il écrivit en 1976 son essai sur la décomposition de la sphère soviétique, “La Chute finale” (éd. Robert Laffont), Emmanuel Todd fonda sa prédiction sur le constat de l’inversion à la hausse de la courbe de mortalité infantile en URSS, considérant cet élément comme fondamental de la réelle santé d’une puissance.