Radio Partageux #11. Où l’on va à un concert que l’on n’a pas oublié quarante années plus tard. Chaque lundi, pour bien commencer la semaine, on s’en remet une de derrière les fagots tout droit dans les oreilles. C’est la chanson du lundi.
Comment naissent les bafouilles ? Dans une vidéo l’un des larrons du trio EDF (Ewen, Delahaye et Favennec) dit en substance : « J’y étais. Le concert est une expérience irremplaçable ». J’ai laissé un commentaire sous l’article qui proposait cette vidéo. Commentaire qui est recyclé ici.
« Le concert est une expérience irremplaçable. » Comme il a raison le bougre ! 1975 ou 1976, Angers. Des copains me traînent à une soirée Névénoé dont je ne connais même pas le nom. Névénoé, c’est une coopérative de musiciens bretons. Et je me souviens encore aujourd’hui du choc de la découverte de Yvon Le Men et Gérard Delahaye.
Yvon Le Men dit ses poèmes devant un public de jeunes venus dans une grande salle (de sport ?) écouter de la musique qui pulse. Yvon Le Men emporte une telle adhésion, un tel enthousiasme, que l’on ne veut pas le voir partir pour laisser la place au compère suivant. « En espoir de cause » est le titre de la plaquette des poèmes dits ce soir-là.
Faudrait parler de cette frêle fille à la poésie noire comme dans un champ de coton. Annkrist s’interrogeant « Qu’est-ce qu’on foutait prison 101 ? »
Gérard Delahaye voit « une locomotive avec des pieds palmés » et « un oiseau qui se serait perdu là-haut tout au bout du ciel ». Pas bien loin de « Camions » symbolisant pour lui la violence de la société.
Oui, la scène est indispensable. Comment pourrait-on remplacer la vision de Patrick Ewen, bras ouverts anguleux comme les ailes d’un albatros, l’archet dans une pogne et le violon dans l’autre, mimant l’ouverture à contresens des portes avant d’une 2 chevaux, la dedeuche des temps anciens ? La geste héroïque à quarante à l’heure dans la côte prend les dimensions d’une épopée biblique.
Comment naissent les chansons ? Les voies de la création sont innombrables. Pierre Seghers loue pour les vacances une maison au bord de la mer qui se révèle être un taudis immonde. La maison est à l’ombre d’une place forte construite par Vauban et recyclée en bagne puis en prison. Ce qui nous vaudra son rageur « Merde à Vauban ! » que je découvrirai des décennies plus tard.
Comment naissent les chansons ? Gérard Delahaye achète une guitare, la délaisse, la remise longtemps dans un placard avant de la donner et cette histoire devient une chanson. « Venez, approchez, ouvrez grand vos oreilles. » Juste une guitare sur la voix de Gérard Delahaye et c’est tout un monde qui s’ouvre devant nous. « Come gather round friends and I’ll tell you a tale. » Nous voilà embarqués dans un blues que c’est toute la si belle tristesse du Mississippi qui coule dans nos oreilles.