Radio de l’été : la valiha de Rajery de Madagascar

Rajery

Radio Partageux #08. Où l’on fait la découverte des capacités musicales du câble de frein de vélo associé au bambou et à l’écorce de coucourde.

Concert un samedi après-midi dans l’ancienne école d’une commune de campagne. Les organisateurs attendent « de 60 à 80 personnes si ça se passe bien ». Les gens arrivent. Beaucoup de gamins. La salle va être un peu petite. On commence par enlever trois-quatre rangs de chaises devant. On gagne ainsi de la place en faisant assoir les enfants par terre.

Les gens arrivent toujours. Et nos braves organisateurs de se gratter la tête. Refuser du monde ? Non, l’idée ne les effleure même pas. Alors chacun donne à nouveau un coup de main aux quatre organisateurs bénévoles pour enlever les rangées de chaises du fond de la salle. Les adultes seront debout et on logera tout le monde, non mais !

Nos organisateurs sont tout perplexes devant le succès imprévu du concert de Rajery, un nom rigoureusement inconnu dans le canton. Deux cents personnes ! Dans une commune qui compte cent-quarante habitants en incluant les vieux partis chez leurs enfants ou en maison de retraite.

Mon amoureuse m’assigne d’autorité une chaise, elles sont en théorie pour les personnes âgées, et s’assoie sur mes genoux. Entre une chanson et un air de Rajery elle me glisse à l’oreille « C’est la musique du pays de Ravaka ». Mon amoureuse a huit ans. Ravaka est dans sa classe. C’est une gamine malgache adoptée par une famille d’une commune voisine. Et Ravaka occupe la position incontestée de soleil de la classe.

Ravaka a fait de la retape pour le concert. Un tract dans chaque cartable. « Celui qui vient pas, c’est plus mon copain. » Et tous les gamins de sa classe, on ne déplore pas d’absent, sont là avec parents ou grands-parents, copains ou cousines.

Après le concert je raconte ma découverte fortuite aux organisateurs. Ils font un décompte au doigt mouillé, ça va vite, on est en campagne et tout le monde connaît tout le monde. On apprend alors qu’un gamin a pleuré toute la semaine. Les parents n’étaient pas disponibles aujourd’hui et de guerre lasse ont demandé aux grands-parents de l’accompagner au concert… Et Ravaka, entre sa classe au grand complet, le club de danse et le centre aéré, le gang des filles de sa commune et sa famille adoptive avec tontons, cousines et grands-parents, est responsable de la venue d’au moins quatre-vingts personnes.

Je n’ai pas découvert Rajery avec France-Mu ou France-Cul, grâce à un disquaire pointu ou via une discussion avec quelque féru de musique exotique. C’est la petite nièce amoureuse de son tonton qui m’avait invité au concert de Rajery dans une commune à côté de chez elle. Les voies de la radio de l’été des blogueurs sont impénétrables.

La valiha (prononcer vali) est le seul instrument de musique au monde dont les cordes sont faites avec les fils d’un ancien câble de frein de vélo. On les tend sur un bambou avec des morceaux d’écorce de courge en guise de chevalets. Rajery est le maître incontesté de la valiha. Dont il joue avec virtuosité et avec son moignon en place d’une main.

A propos de Pierrick Tillet 3377 Articles
Un voyageur à domicile en quête d'une nouvelle civilisation.