Ci-dessous un extrait d’une analyse remarquable sur le Brexit par Coralie Delaume, journaliste et auteur de Europe, les États désunis (éd. Michalon). Je conseille d’ailleurs vivement de lire son interview en intégralité dans Le Figaro (malgré un titre plutôt à côté de la plaque de la rédaction)..
Le Figaro – Plus largement la victoire du Brexit symbolise-t-elle la révolte des peuples contre l’Europe ?
Coralie Delaume – Contre l’Europe telle qu’elle est, c’est évident. Cette Europe, c’est avant tout celle de l’Acte unique de 1986, qui a libéré l’intégralité des mouvement de capitaux. C’est celle de l’euro, qui a introduit une hiérarchie féroce entre les pays créanciers et les pays débiteurs, et invite les États membres à une course perpétuelle à la désinflation salariale.
C’est l’Europe de la mise en concurrence des travailleurs. On a beau l’appeler « libre circulation » pour faire bien, il n’en reste pas moins que lorsque la Commission, comme ça a été le cas très récemment, adresse une mise en demeure à la France et à l’Allemagne pour les sommer de ne plus appliquer le Smic aux chauffeurs routiers étrangers, le «rêve européen» semble se muer en cauchemar.
Cette Europe est enfin celle de l’humiliante prééminence du droit communautaire sur les droits nationaux qui effrite la démocratie. Elle sera peut être bientôt celle du TAFTA, du TISA et d’autres traités de commerce international actuellement en cours de négociation, et qui n’augurent rien de bon.
C’est contre tout cela que les peuples se révoltent. Ils cherchent une solution, tâtonnent, tentent de congédier les vieux partis politiques, tant il est vrai que l’alternance entre la gauche et la droite au pouvoir a fini par apparaître presque partout, en régime d’Union européenne, comme une pantomime grotesque.
Ainsi, en Italie, le Mouvement 5 étoiles (M5S) vient de remporter un grand succès aux élections municipales. En Espagne, il est possible qu’Unidos Podemos (alliance de Podemos et d’Izquierda Unida) devienne dès ce dimanche la première formation d’opposition du pays.
Toutes ces expériences ne seront pas forcément fructueuses. D’ores et déjà, l’expérience Syriza a capoté en Grèce. Mais elles témoignent à l’évidence d’une soif de changement radical, et d’un désir des citoyens de se réapproprier leur destin.
Que va-t-il se passer maintenant? Que prévoient les textes européens ? Quelles sont les différentes étapes du processus de désengagement?
Difficile à dire puisque le Brexit sera la première expérience de sortie de l’UE. On en saura sans doute plus après le sommet européen des 28 juin et 29 juin. En tout état de cause, on sait désormais que l’appartenance à l’UE n’est en rien irréversible… en tout cas pour un pays ayant su se tenir à distance du mirage fédéralisme, donc de l’euro.