Il y a des réveils difficiles. Après la victoire du Brexit, la gauche n’en finit pas de ruminer ses aigreurs. Le Brexit serait une victoire de la droite xénophobe et antisociale.
<< Le problème est que le Brexit était porté par des forces politiques ultralibérales qui n’ont aucune intention de rompre avec ces politiques antisociales, mais entendent les amplifier. >>
Philippe Marlière, politologue, fondateur du Club des socialistes affligés, membre de ce qui reste du Front de gauche, n’a pas tort.
Sauf que si la droite la plus extrême profite aujourd’hui de la victoire du Brexit, c’est parce que la gauche — je veux dire, la vraie — la lui a abandonnée sans combattre !
Désertion
En France, les derniers portes-parole de la gauche « noniste » lors du référendum 2005 se sont comme évanouis dans la nature. Même Jean-Luc Mélenchon ne parvient pas vraiment à se décider à la rupture, laissant encore planer l’idée d’un changement possible de l’intérieur :
<< L’Union européenne, on la change ou on la quitte. >>
En Grande-Bretagne, Jeremy Corbyn, nouveau leader du Labour, pourtant très eurosceptique, s’est réfugié dans un silence penaud durant toute la campagne. Qui ne dit mot consent.
Et ceux qui parlaient encore n’en finissaient pas de frémir sur les dangers d’une Europe des nations forcément xénophobe, de gloser sur le mirage pourtant archi-éventé d’une Europe sociale à construire. Ceux-là, ce matin, n’ont plus que leurs yeux pour pleurer et déplorer. Philippe Marlière :
<< Ce vote ne va aucunement améliorer la situation de la classe ouvrière. Il ne peut que l’aggraver. La social-démocratie ralliée à cette voie antisociale depuis plusieurs décennies, porte une responsabilité écrasante. Le Parti travailliste, lâché par ses électeurs populaires, est dans une situation difficile. >>
Accuser la seule social-démocratie est un peu court. Car non, ce n’est pas la classe ouvrière qui a déserté la gauche, toute la gauche, mais l’inverse.