Le rôle de la monnaie dans la chute de l’Empire romain

ILLUSTRATION

Ceux qui vous disent que l’histoire ne se répète jamais, cherchent surtout à se persuader qu’ils n’en subiront pas les avanies. Ils ont évidemment tort. L’histoire n’est qu’un éternel recommencement — aggravé par notre incapacité notoire à en corriger le cours. J’invite vivement ceux qui ont encore un brin de jugeote à découvrir cet article publié par le site Zero Hedge sur les causes financières de la chute de l’Empire romain. On s’y croirait !


À son apogée, l’Empire romain avait sous sa coulpe 130 millions de personnes sur un territoire de 2,4 millions de km2.

Rome avait conquis une grande partie du monde connu. L’Empire construisit 80 000 kilomètres de routes, ainsi que de nombreux aqueducs, amphithéâtres et autres œuvres encore en usage aujourd’hui.

Notre alphabet, notre calendrier, nos langues, notre littérature et notre architecture empruntent beaucoup aux Romains. Même les concepts de la justice romaine sont encore d’actualité, comme celui-ci : << tout être est présumé innocent jusqu’à la preuve du contraire. >>

Alors, comme se le demande Jeff Desjardins sur son site Visual Capitalist, comment un empire aussi puissant a-t-il pu s’effondrer ?

L’économie romaine

Le commerce était vital pour Rome. C’était le commerce qui permettait d’importer dans l’empire une grande variété de produits : viande, céréales, verrerie, fer, plomb, cuir, marbre, huile d’olive, parfums, colorants pourpres, soie, argent, épices, bois, étain, vin.

Le commerce fit la fortune des citoyens de Rome. Cependant la ville de Rome ne comptait que 1 million d’habitants et les coûts grimpèrent à mesure que l’empire s’étendait.

Les coûts administratifs, logistiques et militaires s’additionnaient et il fallu trouver de nouvelles sources de financement.

Ajouté à d’autres facteurs, cela conduisit à l’hyperinflation, à une économie fracturée, à la localisation du commerce, à de lourdes taxes et à une crise financière qui paralysa Rome.

L’appauvrissement de la pièce de monnaie romaine

La pièce d’argent de base utilisé au cours des 220 premières années de l’empire était le denier.

Cette pièce, d’une taille située entre notre pièce de 5 cents et celle de un cent, équivalait environ à une journée de salaire pour un ouvrier ou un artisan qualifié. Durant les premiers temps de l’Empire, ces pièces étaient d’une grande pureté et contenaient environ 4,5 grammes d’argent pur.

Cependant, avec une réserve limitée d’argent et d’or entrant dans l’empire, les dépenses romaines furent limitées par le nombre de deniers qui pouvaient être frappés.

Cela rendit difficile le financement des projets impériaux. Comment payer la nouvelle guerre, les nouveaux thermes, un nouveau palais ou un nouveau cirque ?

Les fonctionnaires romains trouvèrent le moyen de contourner le problème. En diminuant la pureté de leur monnaie, ils furent en mesure de fabriquer plus de pièces « d’argent » avec la même valeur nominale. Avec plus de pièces en circulation, le gouvernement pouvait dépenser plus. Et donc, la proportion d’argent pur dans les pièces chuta au fil des années.

À l’époque de Marc Aurèle, le denier ne comportait plus qu’environ 75% d’argent. Caracalla essaya une autre méthode d’avilissement. Il présenta le « double denier », qui valait deux fois la valeur nominale du denier. Mais qui ne pesait en argent pur que 1,5 denier. Au moment de Gallien, les pièces contenaient à peine 5% d’argent. Chaque pièce était un noyau de bronze avec une fine couche d’argent. La brillance s’estompait rapidement et révélait la mauvaise qualité de l’intérieur.

Les conséquences

Les effets réels de cette dégradation monétaire prirent du temps à se matérialiser.

La mise en circulation de plus de pièces de mauvaise qualité ne permit pas d’accroître la prospérité — cela appauvrit juste les populations, car il fallait plus de pièces pour se procurer la même quantité de biens et de services.

À certains moments, il y avait une inflation galopante dans l’empire. Ainsi, les soldats exigeaient des salaires beaucoup plus élevés à mesure que la qualité des pièces de monnaie diminuait.

<< Personne d’autre que moi ne devrait avoir de l’argent afin que je puisse payer les soldats >>, disait Caracalla qui augmenta leurs soldes de près de 50% en 210 après JC.

En 265 après JC, quand la proportion d’argent pur n’était plus que de 0,5% dans un denier, les prix montèrent en flèche de 1000% dans l’Empire romain. Seuls les mercenaires barbares étaient payés en or.

Les effets

Avec la flambée des coûts de logistique et d’administration, et plus aucun métaux précieux à piller aux ennemis, les Romains durent prélever de plus en plus d’impôts aux dépens du peuple pour soutenir l’Empire.

L’hyperinflation, la montée vertigineuse des taxes et une monnaie sans valeur créa une triple infection qui lamina une grande partie du commerce de Rome. L’économie était paralysée.

À la fin du IIIème siècle, le seul commerce qui restait opérant était un commerce principalement local, reposant sur un système de troc stérile, plutôt que sur un système de change digne de ce nom.

L’effondrement

Pendant la crise du IIIe siècle (235-284 après JC), plus de 50 empereurs se succédèrent. La plupart d’entre eux furent assassinés ou tués sur le champ de bataille.

L’Empire était livré à l’anarchie et divisé en trois États séparés.

Des guerres civiles constantes fragilisaient les frontières de l’Empire. Les réseaux commerciaux se désintégrèrent et les activités commerciales devinrent trop dangereuses.

Les invasions barbares déferlaient de partout. La peste sévissait.

C’est ainsi qu’en 476 après JC, l’Empire romain cessa d’exister.

=> Source : Visual Capitalist via Zero Hedge

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