Très intéressant sondage commandé par la BBC à l’institut international ORB, sur ce que les Syriens eux-mêmes pensent du conflit qui les déchire. Un, ou plutôt plusieurs avis qui décoiffent.
L’enquête a été menée en juillet 2015 et porte sur un échantillon respectable de 1365 personnes, toutes syriennes, réparties — détail très important — comme suit (NB : cette répartition correspond peu ou prou à la répartition de la population syrienne par zones actuellement occupées) :
- 674 en zone contrôlée par le gouvernement syrien ;
- 430 en zone contrôlée par l’opposition hors État islamique[1] ;
- 170 en zone contrôlée par l’État islamique ;
- 90 en zone contrôlée par les Kurdes.
Si tout sondage doit être pris avec des pincettes, les résultats de celui-ci méritent tout de même le détour. En voici quelques éclairants exemples présentés sous forme de graphiques, tous réalisés par le site les-crises.fr :
Plus curieux encore, on s’aperçoit vite que les opinions peuvent totalement diverger selon la zone où se trouvent les sondés. Exemples :
Zone contrôlée par le gouvernement
Zone contrôlée par l’opposition (hors EI)
Zone contrôlée par l’EI
Syndrome de Stockholm
Commentaires :
- les avis des Syriens sont très partagés sur les frappes de la coalition internationale (NB : en juillet, date de réalisation de l’enquête ORB/BBC, la Russie n’était pas encore militairement intervenue) ;
- Bachar el-Assad arrive en tête des opinions favorables toutes zones confondues (47% d’avis favorables et très favorables) ;
- … et est plébiscité sur la zone qu’il contrôle (73% d’avis favorables et très favorables) ;
- résultats exactement inverses dans les zones occupées où la primeur des opinions favorables est massivement accordée… à l’occupant : 70 % d’avis favorables ou très favorables pour l’EI dans la zone qu’il contrôle !
Quelles conclusions tirer de cette étonnante « répartition des opinions » ? Peur des représailles chez les sondés ? Probablement, mais aussi sans doute ce fameux syndrome de Stockholm qui mesure l’empathie des dominés pour leurs dominants dont la force, espèrent-ils, les protègera.
Voilà qui remet en question les idées simplettes (et un brin orientées) propagées par les milieux bien-pensant occidentaux.
Notes:
=> Lire les résultats détaillés du sondage sur les-crises.fr
=> Consulter le site de l’institut ORB, « spécialisé dans les enquêtes de haute qualité en environnements complexes »
[1] Pour comprendre la répartition des forces réellement en présence en Syrie (et échapper aux confusions mainstream), on lira avec intérêt les articles suivants :
- Mieux comprendre la complexité de la guerre civile syrienne, sur les-crises.fr ;
- Syrie : qui combat qui et où, sur le site L’Orient-Le Jour (NB : anti-Assad).